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TEST – State of Mind – La sombre et perturbante dystopie

A quoi ressemblera notre monde dans plusieurs décennies ? De nombreux auteurs et réalisateurs ont tenté de répondre à cette question que chacun s’est posée ou se posera à un moment donné de sa vie. Et s’il y a bien une chose qui se vérifie de plus en plus, c’est que les fictions abordant ce sujet sont parfois bien plus proches de la réalité qu’on ne pourrait le croire. Dans le genre sacré des jeux narratifs, nombreux sont les éditeurs indépendants à proposer leurs créations mêlant voyage spirituel et expérience vidéoludique. Cette fois-ci, c’est Daedalic Entertainment qui nous intéresse avec l’étonnant State of Mind et sa vision du monde en 2048 : prêts pour un bond dans le temps ?

Blade Runner 2048

State of Mind prend place en 2048 à Berlin et le monde a bien changé : la robotique ne cesse de s’améliorer d’années en années et les androïdes dotés d’intelligence artificielle sont aussi banals que les animaux domestiques. Désormais, de nombreuses fonctions et emplois leur sont confiées et leur présence ne fait que s’étendre de jour en jour. Si les androïdes sont globalement bien acceptés dans les pays du monde, cette situation n’est pas du goût de tous, certains allant même jusqu’à commettre des attentats terroristes contre les entreprises de robotiques jugées coupables du recul de la race humaine face aux robots humanoïdes. En plein dans ce Berlin futuriste et troublé, nous incarnons Richard Nolan, célèbre journaliste pour le quotidien The Voice et détenteur du sacro-saint Prix Pulitzer. Ouvertement hostile à l’évolution actuelle de la place des androïdes au sein de la société, Richard est notamment un des rares humains à dénigrer l’usage de robots domestiques, désormais monnaie courante dans n’importe quel foyer berlinois.

Mais son quotidien plus ou moins paisible est bouleversé quand il est victime d’un grave accident de taxi. Bien qu’indemne à son réveil, Richard est bien vite confronté à un problème majeur : sa femme, Tracy, a disparu sans laisser de traces ainsi que son fils James. Leur couple battant de l’aile depuis plusieurs mois, Richard se met alors en tête que Tracy a décidé de le quitter et d’emmener leur fils avec elle. Pour couronner le tout, elle a fait l’acquisition de Simon, un sympathique robot domestique qu’elle a laissé dans l’appartement de Richard dans l’unique but de l’agacer. Du moins, c’est ce qu’il pense. Richard va se lancer dans des recherches désespérées où il va bien vite se confronter à de multiples dangers pour retrouver sa femme et son fils : il ne se doute pas du vaste complot qu’il va mettre au jour et de la terrifiante vision de l’avenir de l’humanité à laquelle il va se heurter. En abordant avec une effrayante justesse des thèmes actuels comme l’intelligence artificielle, le transhumanisme et la réalité virtuelle, State of Mind emmène le joueur dans un plaisant mais perturbant voyage dans ce monde futuriste très bien pensé.

Child of Man

Indéniablement, State of Mind parvient immédiatement à plonger le joueur dans l’idée que ses créateurs se sont fait du futur. Oppressante, sombre, presque suffocante, l’ambiance du titre de Daedalic Entertainment rend presque tangible la détresse de Richard dans sa quête mais également celle d’une humanité pratiquement agonisante. Les environnements du jeu sont plutôt restreints dans l’ensemble mais diablement bien imaginés : arpenter les rues de Berlin et tomber nez à… nez ( ?) avec des robots policiers ou apercevoir d’intrusifs drones publicitaires par la fenêtre de l’appartement de Richard a quelque chose de véritablement saisissant et de furieusement réaliste. En revanche, pas sûr que le chara-design très cubique des personnages plaise à tous. On pourra regretter que les yeux des protagonistes de l’histoire soient quelque peu inexpressifs dans un genre où les sentiments silencieux des personnages sont une composante essentielle de leur évolution.

State of Mind étant un jeu narratif, ne vous attendez pas à une création au rythme effréné et sans temps mort. Au contraire, on a affaire à un jeu tout à fait particulier qui se savoure et qui s’apprécie lentement, avec soin et surtout sans empressement. Un engagement difficile à tenir tant on a envie de percer le ténébreux mystère de la disparition de James et Tracy. Le monde imaginé par Daedalic Entertainment fourmille de détails et est un véritable appel à la curiosité qui sommeille en chacun d’entre nous. Dans ce but, Richard (mais également les autres personnages jouables) peut interagir avec de nombreux éléments de son environnement pour obtenir de précieuses informations qui permettent au joueur aussi bien de saisir peu à peu l’état exact du monde de 2048 que d’éclaircir l’obscur traquenard technologique orchestré par des forces insoupçonnées.

Homo Ex Machina

Mais State of Mind ne se contente pas de simplement laisser le joueur comme spectateur en l’emmenant de dialogue en dialogue, mais lui imposera au contraire quelques phases de réflexion et de gameplay spéciales pour espérer obtenir les réponses aux questions de plus en plus nombreuses amenées par l’intrigue. Bien que divertissantes, ces fameuses séquences auraient gagné à être plus nombreuses et plus diversifiées. C’est peut-être d’ailleurs le défaut que l’on pourra reprocher à State of Mind : de trop miser sur le côté narratif et pas assez sur la dimension ludique. Les joueurs peu rodés au genre et plus axés sur l’action pure risquent de s’ennuyer malgré la passionnante histoire narrée par Daedalic Entertainment. Grâce à une galerie de personnages très bien écrits et terriblement réels, le récit est doué d’une force presque palpable et parvient à esquiver avec habileté le piège du manichéisme. On aurait pu imaginer un banal scénario opposant les bons humanistes aux horribles technologistes, mais il n’en est rien. Au contraire, State of Mind parvient à créer un débat pertinent entre différentes visions de ce que pourrait être un avenir acceptable pour les humains de demain, c’est à dire nous.

Et la surprenante caractéristique du jeu est que le joueur ne sera pas forcément de l’avis de son personnage principal. Au contraire, Richard est loin d’être le modèle du héros parfait, le stoïque chevalier en armure étincelante, et c’est cela qui le rend si réel. Il défend, parfois de manière odieuse, son point de vue sur le progrès et s’oppose à d’autres visions pourtant tout aussi légitimes. Le débat de fond mené par State of Mind offre une réflexion très intéressante sur l’avenir de l’humanité à travers ses personnages d’une profondeur véritablement appréciable. Le joueur en sort perturbé, presque changé et ce, même après avoir achevé la quête de Richard. D’une beauté parfois déroutante dans les thèmes qu’elle aborde, l’histoire du jeu réserve quelques surprises de taille sur de nombreux aspects. Je ne dirai bien évidemment rien de plus : comme je l’ai dit plus haut, State of Mind s’apprécie avec soin et sans empressement.

De plus, apprécier State of Mind devient d’autant plus facile que le titre est tout à fait soigné sur le plan technique. Le rendu entre Mode TV et Mode Portable est identique : propre, net et sans bavures ! Les différents environnements du jeu sont agréables à l’œil avec une palette de couleurs diversifiées et assurément efficace et rendent très bien aussi bien sur la TV que sur l’écran de la Nintendo Switch. Seules ombres au tableau : quelques minuscules ralentissements observés ici et là et des temps de chargement parfois un poil longuets. Mais ces petits défauts sont bien risibles face à l’histoire et à l’ambiance qu’a créées Daedalic Entertainment pour son titre qui ainsi emmène le joueur pour une quête d’une douzaine d’heures, soit un score très appréciable pour un jeu de cette catégorie.

Avis final
  • Délicieusement oppressant - 80%
    80%
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Résumé

Un terrifiant mais plaisant voyage dans le temps. Si State of Mind assume parfois un peu trop son statut d'”expérience narrative” au détriment de la composante ludique pure, Daedalic Entertainment offre tout de même une aventure originale qui aborde avec brio des thèmes très en vogue sans jamais tomber dans le cliché ou la platitude. Avec ses personnages et son univers finement construits et accompagnés d’une intrigue haletante, State of Mind propose ainsi une réflexion aussi fine que pertinente sur l’avenir de l’homme et sur l’idée du progrès. Au final, on en sort perturbé mais également étonnamment grisé avec un espoir presque renouvelé quant à notre évolution. Cette transmission de sentiments élégamment menée fait de State of Mind une véritable réussite : Well done !

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LatoJuana
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Gamer de 26 ans avec un penchant pour les jeux racontant de belles histoires. Je suis rédacteur sur le site depuis 2017. Zelda reste ma licence de cœur mais j'aime découvrir des jeux de toutes sortes !

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1 Commentaire
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Endy

J’aime beaucoup les dystopies et la science-fiction en mode anticipation, j’avais beaucoup aimé le jeu DETROIT sur PS4 donc je me laisserai bien tenter par celui ci sur ma Switch en mode nomade si vous dites que l’histoire est bien. J’aime les jeux à scénario et il y en a encore peu sur Switch donc j’apprécie cette nouvelle sortie !