Tunic Key Art
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Tunic : La valse du manuel – TEST

On pourrait croire en voyant Tunic de loin qu’il ne s’agit que d’un énième Zelda-like indépendant à la patte graphique atypique avec un renard mignon. Ce serait là une grossière erreur, et un cruel manque de discernement si vous appréciez comme moi les énigmes diaboliquement bien fichues et les concepts curieux sortis d’on ne sait où qui fonctionnent pourtant à merveille. Développé par les seuls petits bras d’Andrew Shouldice et édité par Finji, Tunic a donc bien plus dans sa besace qu’il n’y paraît au premier regard. Et c’est justement en aiguisant le vôtre que vous pourrez espérer voir le bout de cette aventure. Si vous me pardonnez le titre douteux servant à introduire ce test, laissez-moi donc vous expliquer pourquoi ce jeu sort du lot, à plus d’un titre.

Les pages qui se tournent…

Qui se souvient encore des manuels de jeu vidéo ? Ces précieux livrets, qui avaient une importance capitale lors des balbutiements de la démocratisation du jeu vidéo sur console, ont perdu à la fois en épaisseur et en pertinence au fil des années, au point de disparaître totalement au cours de la huitième génération. Ils contenaient à l’origine de très nombreuses informations, parfois absentes du jeu en lui-même, telles que des éléments de scénario qui ne logeaient pas sur ces bonnes vieilles cartouches de NES, ou des explications sur les bases du gameplay, faute de tutoriel intégré aux titres. Tunic a beau être dépourvu d’édition physique à l’heure où sort ce test, il n’en embrasse pas moins cette philosophie du manuel old-school et en fait le coeur de son game design d’une façon brillante.

Avec sa vue isométrique, ses visuels apaisants et son introduction à base de naufrage sur une plage inconnue aux commandes de notre petit renard en tunique verte, Tunic semble vouloir nous inviter à un voyage enchanteur, façon Zelda sur Game Boy. Cette façade va peu à peu laisser place à toute la concentration que le titre exige de vous. Après avoir ramassé votre bâton servant d’épée de fortune, vous tomberez de fait bien vite sur des fragments brillants et une écriture inconnue dans les boîtes de dialogue. En choisissant “OK”, vous obtiendrez alors… une page de manuel de jeu vidéo ! À ceci près que ce dernier fait partie intégrante de la diégèse et intègre de (très) nombreux éléments de lore et des indices sur votre progression future. Si certains passages sont en français (ou dans la langue de votre console), l’essentiel est écrit dans ce fameux dialecte créé pour le jeu. Le tout est bien évidemment illustré par de nombreux schémas, des icones et autres dessins.

Nous ne sommes donc pas face à un niveau de complexité à la FEZ pour le tout-venant, du moins, pas si vous restez en surface et vous contentez de vouloir terminer le jeu une seule fois, ce qui est le cas de votre serviteur. S’il existe peut-être des pages du manuel permettant de déchiffrer le langage du jeu, je n’ai eu besoin que d’indices visuels et des quelques passages en français pour en voir le bout, sans devoir décrypter quoi que ce soit ou prendre des notes à l’ancienne avec un papier et un crayon (j’aurais peut-être dû pour m’épargner quelques déambulations, cela dit). Il faut néanmoins faire preuve d’une certaine curiosité et d’un minimum de rigueur, le jeu ne contenant pas de PNJ (sauf à un moment bien précis dont je tairai les circonstances) pour vous guider ou vous dire quoi faire de façon explicite.

Il n’y a presque aucun risque de louper les pages essentielles, le level design les plaçant naturellement sur le chemin critique que vous serez amené·e à emprunter, en tout cas pendant une bonne moitié de l’aventure, après quoi le jeu s’ouvre un peu plus. À ce stade, vous devriez néanmoins avoir mis la main sur les principales cartes et les pages les plus importantes vous indiquant, dans les grandes lignes, le but du jeu. Il s’agira alors de savoir observer attentivement les illustrations, déceler les indices visuels et vous souvenir des sentiers inexplorés sur votre carte (d’une taille par ailleurs très modeste, ce qui limite le risque de se tromper lourdement de route) afin de choisir vos prochaines destinations. On peut parfois tourner en rond pendant une heure en maudissant Andrew Shouldice silencieusement, tout en choppant une migraine au passage. Mais ce n’est que pour mieux profiter de l’épiphanie lorsqu’on remarque la pièce du puzzle qu’il nous manquait pour avancer et que tout s’emboîte enfin !

Tunic, la Darksoulisation du Zelda ?

Encore un intertitre racoleur qui veut dresser la comparaison avec Dark Souls ? Malheureusement pour nous, la franchise de Hidetaka Miyazaki ayant l’influence qu’elle a, la reprise de ses éléments-clés de game design est plus que fréquente, en particulier dans le milieu indépendant. Tunic ne fait pas exception et lorgne autant du côté du Souls-like que du Zelda-like. Pour cela, il recycle donc les feux de camp en les remplaçant par des statues de renard agrémentées d’un brasero. Elle ont strictement la même fonction que les checkpoints de Darks Souls, à savoir ressusciter tous les ennemis précédemment occis ainsi que remplir les jauges de vie et de magie. Elle permettent aussi de recharger nos fioles de soin, là encore à la manière des fioles d’Estus ou des fioles de Larmes Pourpres d’Elden Ring, pour prendre un exemple plus récent. La comparaison ne s’arrête pas là, puisqu’on retrouve aussi l’influence de la saga de dark fantasy au niveau des combats et du level design.

Concernant les premiers, il y aura assurément du boss à défourailler à la chaîne, avec leur lot de patterns à mémoriser et contourner, ainsi que les morts à répétition qui vont avec. Bien évidemment, ce game design exigeant nécessite un travail particulier sur les animations ennemies qui doivent être lisibles et suffisamment téléphonées, ce qui est le cas ici. Du point de vue level design, les statues ayant la même fonction que les feux de camps de Dark Souls, il n’est pas absurde d’observer la même structure de progression : chaque checkpoint est donc un embranchement-clé, point d’arrivée de nombreux raccourcis en tous genres (ponts, échelles ou cordes à déployer etc.) au terme de chaque micro-boucle de gameplay. Le tout est formidablement bien construit et n’a rien à envier à ses modèles, que l’on parle des Souls ou des Zelda, surtout quand on sait qu’il sort d’une seule et même tête qui a été bien occupée durant ces sept ans de développement. C’est donc avec délectation que l’on découvrira un raccourci juste après être tombé·e à court de fioles de soin.

Rester à la page

Terminons par les points son et technique. La bande originale est composée par deux artistes ayant travaillé de concert, Lifeformed et Janice Kwan. Le résultat, sans être transcendant, colle à merveille à l’esthétique visuelle de Tunic, avec ses décors simplistes et ses jeux de lumière façon diorama. Les pistes les plus dérangeantes sont parfaitement appropriées lors des passages associés du jeu, et rendent merveilleusement justice à ses variations d’ambiance. C’est plus du côté de la technique que le bât blesse. N’ayant malheureusement pas de Switch OLED, certains passages dans des environnements très sombres, équipé de ma seule lanterne, ont parfois relevé du calvaire en raison de l’orientation du décor et des contrastes moins marqués, même en augmentant beaucoup la luminosité de ma console en mode portable.

Du côté du framerate, on est sur du 30 FPS avec de très rares baisses, mais qui font néanmoins tâche. Elle n’ont eu que peu d’impact sur mon expérience globale, mais j’ai le souvenir de deux combats de boss en particulier dans la seconde partie du jeu dont la difficulté a tout simplement atteint des sommets que je qualifierai d’injustes. Devoir recommencer un combat en raison d’un micro-freeze qui a faussé le timing d’une roulade décisive est loin d’être l’expérience vidéoludique rêvée. D’autant plus quand Tunic aura attendu quelques mois supplémentaires entre sa sortie initiale sur PC et Xbox en avril et ses moutures PlayStation et Switch parues fin septembre. Je pourrais croire à de la mauvaise foi de ma part si le reste de la rédaction n’avait pas relevé le problème dans mes extraits vidéo.

Une franche réussite
  • Une franche réussite - 85%
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Summary

Sur Switch ou ailleurs, Tunic brille d’un éclat inaltéré, ou presque. Sous ses airs de Zelda-like assez bateau se cache un joyau de mystères à résoudre, de secrets à découvrir et de casse-têtes à démêler. En intégrant un manuel de jeu à l’ancienne dans son game design, Tunic nous met dans la peau d’un enfant des années 80 avançant à tâtons dans un Zelda qui aurait des textes entièrement en japonais. Expérience unique, il ne s’agit pas pour autant d’un voyage dans le temps à une seule destination, le titre tirant d’autres inspirations dans de grandes licences de la décennie passée, au premier rang desquelles les productions du studio japonais FromSoftware. Parfois un peu trop cryptique pour son propre bien et doté d’une mouture Switch qui souffre de quelques faiblesses par rapport à ses concurrentes, Tunic reste néanmoins un jeu marquant de l’année 2022, même sur la console hybride. C’est un indispensable si vous aimez vous torturer les méninges sur des énigmes un peu tordues, et bastonner du boss bien énervé au passage. Nul doute qu’une large communauté tentera de dénicher tous les secrets du jeu, tant il semble en dissimuler, à commencer par l’étrange langage de son manuel in-game.

Les +

  • L’utilisation brillante du manuel en jeu
  • Les secrets très nombreux et bien cachés qui remettent en perspective notre exploration passée
  • Un level design à l’inspiration certes très marquée, mais pour autant très réussi
  • Des combats de boss aux petits oignons
  • Une B.O. efficace qui complimente les variations d’ambiance
  • Certains panoramas à couper le souffle

Les -

  • Parfois un peu trop cryptique pour son propre bien
  • Peut mieux faire sur le framerate sur certains boss en particulier
  • Manque de lisibilité dans les séquences peu éclairées sur Switch classique
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Callisto
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Joueur depuis mon plus jeune âge, j'ai grandi avec Nintendo et leur univers, donc je garde un affect, même si le JV en général me passionne tout autant. Je suis friand de J-RPG et de tout ce qui touche à Zelda et Metroid principalement, même si d'autre licences de Big N ont mes faveurs. Je reste malgré tout bon public et peux apprécier un large panel d'expériences.

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