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Unknown Fate, the fate is a lie – TEST



Véritable objet de fascination encore bien mal connu, la mémoire est depuis plusieurs siècles un point clé des études de neurobiologie. Essentielle à la survie de l’individu, elle est également un sujet de prédilection pour de nombreux auteurs et scénaristes dont certaines oeuvres gravitent autour de cette étonnante fonction biologique : La Mémoire dans la peau, Juste un regard, Sans Identité, Ghost Trick… Autant d’oeuvres littéraires, cinématographiques et vidéoludiques qui abordent, bien souvent avec une froide justesse, la complexe et  dramatique situation des victimes d’amnésie. Tenté par ce filon juteux, Marslit Games démarre en 2016 le développement d’Unknown Fate, une expérience narrative nous transportant au coeur d’un voyage spirituel où le mystère règne en maître. Après une sortie sur PS4, XBox One et PC (avec plusieurs itérations en réalité virtuelle), le jeu s’intéresse désormais à la Nintendo Switch et emmène les joueurs dans son monde chaotique pour le meilleur et pour le pire.

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Casse-tête chinois

Dès le départ, Unknown Fate mène la danse et plonge le joueur dans une ambiance sombre où la logique n’a pas raison d’être : nous incarnons un homme totalement amnésique, au point que même son identité lui est inconnue. Embarqué sans trop savoir comment dans un monde chaotique et surréaliste, le héros entame un voyage spirituel en vue à la première personne pour retrouver sa mémoire et éventuellement rentrer à la maison : vous l’aurez compris, nous nous retrouvons pour une nouvelle expérience narrative sur Nintendo Switch !

Sous des apparences classiques en raison de son intrigue maintes fois abordée par d’autres oeuvres susmentionnées, Unknown Fate se démarque néanmoins immédiatement par une direction artistique frappante d’ingéniosité. La force de ce monde obscur ressemblant à une vision cauchemardesque du Pays des Merveilles de Lewis Carol réside avant tout dans l’ambiance terriblement malsaine qu’il parvient à créer. Au-delà des multiples précipices sans fond qui vous poussent à prendre garde à chacun de vos pas, l’absence quasi-totale de vie humaine, en dehors de notre protagoniste, induit une oppressante sensation de solitude et d’insécurité qui prend littéralement le joueur à la gorge. Et que dire de ces créatures gigantesques dont on aperçoit parfois une patte, parfois une queue fourchue traîner pesamment avant de disparaître dans un de ces ténébreux gouffres ? En résumé, les individus incapables de s’adapter ne sont pas les bienvenus dans cet enfer stérile et il vous faudra tout votre courage pour vous y aventurer.

Voyage au bout de la nuit

En créant ce monde où se mêlent gigantisme et surréalisme, fiction et réalité, folie et danger, Unknown Fate parvient sans délai à transporter le joueur dans une situation d’extrême vulnérabilité. Pourtant, et malgré les menaces parfois mortelles qui le jalonnent, ce monde frappe également par sa beauté : j’ai particulièrement apprécié une des dernières zones qui mêlent paradoxalement et élégamment des nuances de gris, de rose et de rouge pour un résultat très flatteur, comme un paysage automnal dans un désert monochrome. Et ceci est sans mentionner la bande-sonore finement composée, alternant sans prévenir entre d’apaisantes notes de piano et d’angoissants sons aigus : à bien y penser, Unknown Fate est un jeu narratif flirtant clairement avec le jeu d’horreur.

On regrettera en revanche quelques ratés d’un point de vue technique : vous serez régulièrement frappés par la qualité plus que douteuse des textures et la laideur de certains modèles 3D, particulièrement en ce qui concerne la végétation. En revanche, la résolution est optimale aussi bien en TV qu’en Portable, sans aucun flou parasite. La fluidité d’image est pratiquement toujours au rendez-vous, excepté un passage où le framerate a connu quelques déboires pendant quelques secondes.

Temps mort

Le voyage sera loin d’être de tout repos : pour retrouver la mémoire et espérer comprendre la raison de sa venue dans ce monde en folie, l’homme (qui s’avère se nommer Richard) devra mettre sa réflexion à rude épreuve à travers différentes énigmes qui lui permettront aussi bien de progresser que de retrouver ses souvenirs par fragments. Pour s’aider dans sa quête, Richard obtient très rapidement la curieuse relique qu’est l’Artefact. S’apparentant au départ à un simple anneau, l’Artefact gagnera en puissance au fur et à mesure de la progression du joueur et lui permettra de disposer de nouveaux pouvoirs qui lui seront essentiels pour la réussite de son voyage. L’aide viendra également de la part des Gardiens, créatures mystiques et sages, protectrices de cet univers, qui semblent bien mieux connaître notre héros que lui-même. Malgré leur aide bienvenue, la méfiance sera de mise car les Gardiens ont leurs propres ambitions, parfois bien plus malsaines que l’on ne pourrait le soupçonner.

Coeur du gameplay, l’Artefact sera votre unique arme face aux quelques ennemis qui rôdent dans les parages mais également la clé pour résoudre les différentes casse-têtes qui vous barreront l’accès à la zone suivante. Si la plupart d’entre eux sont bien pensés, on ne peut pas dire que le contrôle très basique de l’artefact aide à leur résolution : le déplacement du réticule de visée est raide au possible et calculer l’angle de tir sera souvent bien difficile. Le même problème est constaté lors des combats qui sont fort heureusement peu nombreux bien qu’anecdotiques au possible. A mesure que votre Artefact se développe, la variété des énigmes augmente en conséquence : à terme, vous pourrez et devrez déplacer des structures dans l’espace et parfois même manipuler le temps pour traverser de vastes précipices ou révéler un chemin pour continuer votre voyage. Exploitant le délire permanent qui régule ce Tartare en déroute, les énigmes du jeu usent pertinemment de la structure des environnements : je me souviendrai particulièrement d’avoir ralenti le temps pour marcher d’un pas allègre sur les aiguilles d’une horloge en folie. En bref, la part de réflexion du titre est efficace et apporte une certaine satisfaction bien que certaines parties manquent quelque peu d’informations pour trouver comment procéder.

Unknown Fate : maintenant et pour toujours

Malheureusement, Unknown Fate n’a que sa direction artistique et sa réflexion à proposer au joueur, et ce sans aucune récompense narrative derrière. Farouchement décidé à terminer le scénario du titre avant d’en entamer le test, j’attendais la révélation de la véritable raison de la venue de Richard dans ce monde mais également une explication quant à la nature même de cet univers pourtant si prenant ! Avec tous ces sous-entendus, ces paroles mystérieuses proférées par les Gardiens et l’étrange conflit semblant opposer plusieurs des entités de ce monde, tout semblait parti pour une grande révélation, un dénouement choquant et inattendu, un plot-twist qui aurait tout expliqué !

Mais il n’en est rien au final : l’histoire se termine sans aucune logique ni aucun dénouement à proprement parler tandis que les personnages vont et viennent au gré de leurs envies sans aucune justification et bien souvent totalement par hasard, un peu à la manière d’un mauvais film d’action. Qu’un jeu narratif laisse la place à l’interprétation quant à son histoire est normalement un aspect qui me séduit aisément : RiME, pour ne citer que lui, poussait le joueur à explorer le passé de son jeune protagoniste au-delà de la séquence finale et permettait de saisir toute la profondeur émotionnelle de son récit. Mais là où certains jeux narratifs demandent d’interpréter, Unknown Fate exige pratiquement d’inventer une histoire : cela peut paraître attirant pour certains, mais pour ma part je n’ai senti qu’une amère déception.

Le jeu semait pourtant suffisamment d’indices pour parvenir à me motiver efficacement à résoudre les énigmes, affronter les ennemis et enfin espérer arriver à la conclusion qui est au finale vide de sens et presque inexistante. J’ai également été particulièrement agacé par le voice-acting apathique et sans intonation des différents personnages  de l’intrigue : les dialogues s’enchaînent parfois bien trop rapidement et ne laisse transparaître aucune émotion. Parler ainsi de ce titre n’est en aucun cas une joie pour moi, mais il est difficile de passer outre quand un jeu narratif parvient à louper le coche sur les principales caractéristiques qu’on attend de lui.

Décevant
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Résumé

Quelle déception ! Alors que les premières minutes d’Unknown Fate promettaient un jeu narratif haletant grâce à son univers soigné et son excellente direction artistique, la désillusion succède rapidement et ne fait qu’empirer au fil des heures. Malgré une ingéniosité certaine au niveau de ses énigmes, le titre de Marslit Games ne parvient pas à tenir sur la longueur. La faute à un scénario se voulant libre à l’interprétation mais qui se révèle au final sans queue ni tête et désespérément navrant. Etant un amateur de jeux narratifs, j’ai été singulièrement agacé de voir qu’Unknown Fate ne prenait même pas le soin de proposer un scénario cohérent pour tenter d’atténuer ses multiples défauts observés dans son gameplay ou dans sa technique. Je retiens néanmoins l’identité visuelle unique de ce jeu qui m’a marqué à bien des égards et qui témoigne d’une créativité et d’un talent artistique qu’on ne peut que saluer.

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LatoJuana
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Gamer de 26 ans avec un penchant pour les jeux racontant de belles histoires. Je suis rédacteur sur le site depuis 2017. Zelda reste ma licence de cœur mais j'aime découvrir des jeux de toutes sortes !