The Stillness of the Wind
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The Stillness of the Wind, une lente descente au désert – TEST

Nana used to say

“Each day she is born, we call her Dawn

Daughter of Yesterday, Mother of Tomorrow”

C’est sur cette citation que s’ouvre The Stillness of the Wind, petit jeu indépendant édité par Fellow Traveler, à l’atmosphère poétique et suite spirituelle de Where The Goats Are (disponible gratuitement sur itchio). Puis deux touches s’affichent : A, qui permettra de tout faire dans le jeu, mais vraiment tout et B, pour annuler ou poser un objet. Cette facilité d’utilisation laisse deviner la simplicité du jeu.

The Stillness of the Wind

La délicatesse de la vie à la ferme

The Stillness of the Wind raconte l’histoire de Talma, une vieille dame, dernière à s’occuper de la ferme familiale tandis que le reste de son entourage est, pour la plupart, parti vivre en ville. On suivra, en parallèle de la vie de Talma, celle de sa fille, sa sœur ou son frère qui lui envoient des nouvelles de la vie urbaine par courrier postal. Parfois, un petit cadeau tel un poème ou une graine sera inclus. Quant au personnage que nous incarnons, notre tâche sera de surveiller les deux chèvres, six poules et différentes plantes que nous pourrons faire grandir au fil de la partie. De temps en temps, un marchand ambulant nous rendra visite. Ce sera l’occasion de remplir notre stock de foin et de graines à faire pousser, si tant est que vous ayez de quoi troquer. En de rares occasions, le marchand amènera Billy avec lui, son bouc et se proposera de nous le prêter (je vous coupe tout de suite, je n’ai jamais eu assez de ressources pour pouvoir m’offrir la chance d’assister au miracle de la vie et observer naître une progéniture à mes chèvres).

Les décors sont simples, sans fioritures pour décrire au mieux un univers minimaliste. L’action se déroule dans un monde de sable, coupé de tout il semblerait (les murs invisibles sont bien là pour vous le faire croire en tout cas) et au milieu de ce vide absolu : votre ferme. En plus de vos animaux, vous aurez : une bêche qui vous permettra de préparer la terre pour planter vos graines (tomates, pommes de terre ou encore fleurs), un panier en osier pour récolter les œufs de poules, les légumes arrivés à maturité ou les champignons que vous pourrez trouver en dehors de votre demeure, un seau pour récolter le lait de chèvre, un autre seau spécifique à l’eau du puits, un fusil dont l’utilité (ou pas) sera avérée plus tard et enfin un bâton qui permettra de dessiner dans le sable (spoiler : c’est l’activité la plus ennuyeuse dans un jeu déjà ennuyeux au possible).

Maître mot à la campagne : lenteur

Comment aborder The Stillness of The Wind sans commencer par le plus grand reproche qu’on peut lui faire, un défaut si exacerbé qu’il en devient rédhibitoire : sa lenteur. On pourrait croire que ce n’est pas grand-chose au premier abord mais c’est en fait tellement exagéré que cette mollesse gâche toute l’expérience de jeu, et je pèse mes mots. Alors oui, cette lenteur est calculée : Talma est vieille, elle marche lentement et elle prend son temps autant au sens métaphorique, dans ce bout de monde où il ne se passe rien, qu’au sens littéral. Et c’est là que ça coince : chaque pas est une torture et cela devient vite un véritable handicap pour le joueur. Vous aurez le choix entre plusieurs activités, mais vu le temps qu’il faut pour les réaliser, vous devrez bien répartir vos différentes tâches chaque jour : impossible donc de tout faire la même journée. Pour fabriquer du fromage par exemple, il faudra donner du foin aux chèvres, attendre, les traire, ramener le seau jusqu’au chaudron, touiller le lait, le poser sur le feu, le laisser reposer, poser la pâte obtenue sur le plan de travail, la travailler et enfin obtenir un fromage. Oui car pour en obtenir plusieurs il faudra traire vos chèvres plusieurs jours de suite pour remplir un peu plus le chaudron.

Pas convaincu ? Pour faire pousser vos plantes, il faudra bêcher la terre : on a d’ailleurs la possibilité de s’occuper d’une grande surface de terrain mais étant donné le temps qu’il faut pour la manutention de notre potager, entretenir environ quatre plants à la fois parait optimal. Ensuite il faudra planter vos graines, aller jusqu’au puits, ne pas oublier d’ouvrir la porte puis de bien la refermer derrière vous pour que les chèvres ne s’enfuient pas (celles-ci doivent d’ailleurs avoir un détecteur de porte ouverte intégrée puisqu’à peine vous effleurerez la poignée, qu’elles se précipiteront vers la sortie), prendre de l’eau, la porte à nouveau (qui ne s’ouvre que dans un sens, c’est pas marrant sinon), arroser les plantes et recommencer le processus plusieurs jours de suite jusqu’à ce que vos plantations soient arrivées à maturité et que vous puissiez récolter leurs fruits grâce à votre panier. Tout cela avec pour seule action de la part du joueur : appuyer sur A. Appuyer sur A pour déplacer Talma, appuyer sur A pour traire les chèvres, appuyer sur A pour récolter les œufs, appuyer sur A pour bêcher, appuyer sur A pour planter les graines… Effectivement, pour touiller le lait vous allez pouvoir tourner le pad mais promis c’est le seul changement du jeu entier. Tout cela à une lenteur insupportable bien évidemment. Ce n’est bien sûr pas la difficulté du gameplay qui est censée primer dans ce type de jeu mais on aurait pu apprécier la volonté de rendre l’expérience intéressante à défaut de la rendre variée.

Du symbolisme en veux-tu en voilà

Vous vous posez encore des questions sur la vitesse de pointe de Talma ? Et bien sachez que j’ai réussi à me mettre des bâtons dans les roues, ce qui va me permettre de vous démontrer à nouveau à quel point ce jeu est synonyme d’ennui. En effet, il n’est indiqué nulle part que pour sauvegarder les provisions du panier, il faut rentrer celui-ci dans sa maison. Je me suis donc bien vite retrouvée en manque de matière à troquer avec le marchand. Heureusement, le visionnage d’un Let’s Play (en vitesse x2, je précise) m’a permis de découvrir mon erreur. The Stillness of the Wind se veut être un jeu poétique, reposant et relaxant ; cependant l’idée de devoir planifier ses journées à l’avance, ne pas savoir quand passe le marchand (le rater peut être fatal car on arrive bien vite à bout de foin pour les chèvres qui ne survivront pas bien longtemps sans…) et ne pas avoir le temps de faire tout ce que l’on voudrait en une seule journée a rendu l’expérience relativement stressante et désagréable à mes yeux. Manquer le marchand parce que Talma prenait trop de temps à faire demi tour m’a, par exemple, donné envie de jeter ma manette par la fenêtre. Sans compter les quelques bugs que j’ai rencontré qui m’empêchaient de reprendre le panier dans mes mains et qui me faisaient ainsi perdre définitivement son contenu. Un autre point faible concerne le menu de transaction lors du marchandage, vraiment peu pratique en terme de navigation.

Il est possible d’explorer les environs pour cueillir des champignons et obtenir des anecdotes sur les lieux visités par Talma mais le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les paroles de Talma et de ses compagnons épistolaires sont censées regorger de métaphores et de poésie, de plus certaines nuits vous assisterez aux étranges rêves de Talma franchement terrifiants. Tout ceci est assez flou mais l’on finit par comprendre que cet ensemble (anecdotes, lettres et rêves à la fois) représente une critique assez corrosive du mode de vie industriel et capitaliste. Cependant, tout ce symbolisme à outrance tourne vite dans le verbiage imbuvable, pas une seule phrase ne semble être écrite clairement et sans double sens, avec Talma il y a toujours plus à dire. Cette difficulté de compréhension pourrait être surmontée par un gameplay qui nous tiendrait en haleine ou qui demanderait toute notre attention, mais ici le joueur, à moitié endormi devant son écran où il ne se passe rien, aura du mal à rentrer dans l’histoire ou à vraiment s’attacher aux différents personnages évoqués.

Le début de la fin de The Stillness of the Wind

Après quelques heures de jeu, l’environnement change : au réveil, plus de désert mais de l’herbe verte. Rien n’explique ce nouveau décor et surtout il ne semble influer sur aucun point de la vie quotidienne de notre personnage. Soit. Si l’on décide de s’aventurer dehors à la nuit tombée on pourra tomber sur un loup. Celui-ci ne fera aucun mal à Talma mais reviendra régulièrement attaquer nos poules une fois notre personnage couché. A priori, le seul moyen de s’en débarrasser serait de lui tirer dessus avec notre fusil, mais pour cela il faudra encore se procurer des cartouches chez le marchand. Au bout d’un certain temps, Talma tombera sur des sortes de morceaux de bois taillés à même le sol. Elle les collectionnera en les agençant sur une étagère au dehors de la cabane où fabriquer les fromages. Je n’ai réussi à obtenir qu’une statuette de loup et une du marchand. Au fil de l’aventure, commercer devient de plus en plus dur : à court de foin, j’ai perdu toutes mes chèvres, mes poules ont toutes été mangées par des loups et pour finir même l’eau du puits a fini par s’assécher, c’en était donc fini de mes belles tomates et de mes pommes de terre. Et d’ailleurs plus de signe de vie du marchand depuis un moment, ses visites s’étant déjà faites de moins en moins régulières. Point positif : Talma peut manger mais ce n’est pas nécessaire à sa survie.

J’en arrivais à un point où je me levais pour faire le tour de ma maison et je retournais me coucher. Ça ne dura pas si longtemps car après quelques jours d’averse, le ciel se teinta de noir et des cendres rouges commencèrent à tomber comme des centaines de confettis (moi aussi j’ai une âme d’artiste). Cette vision apocalyptique me fut prédite auparavant par mon fidèle et seul compagnon le marchand, m’annonçant qu’une tornade s’approchait lentement mais sûrement de ma demeure. En ce dernier jour donc, je m’apprêtais à passer encore une nuit désespérément seule, j’avais à peine dépassé le seuil de ma porte que je décidais de faire demi-tour tant la visibilité était réduite, quand soudain au loin j’aperçus une ombre qui m’interpellait. Étonnée, je reconnus là mon grand ami le marchand ! S’ensuit une dernière tirade humble mais sincère du seul camarade qui m’avait accompagnée durant ces longues heures de jeu et, surprise, j’en ai les larmes aux yeux. La réclusion et la solitude de Talma me frappent en plein cœur et voir la dernière âme humaine lui rendant visite lui présenter ses adieux me plonge dans une grande nostalgie. C’est ici que l’on voit au mieux l’intention des développeurs de créer un contenu sobre et honnête, de raconter une histoire en essayant de nous toucher, souvent maladroitement mais jamais avec malveillance.

Et là… c’est le bug. Coincée sous les rafales de vent, avec une ultime lettre dans la main, je n’ai jamais réussi à déplacer Talma ou à lire cette missive malgré avoir redémarré plusieurs fois ma console. Le blocage semble être récurrent après la conversation avec le marchand et je me sens soudain refroidie, tels les paysages enneigés qui sont censés suivre et que je ne contemplerai jamais par moi-même.

Rien ne sert de courir... mais il ne faut pas se traîner!
  • Rien ne sert de courir... mais il ne faut pas se traîner! - 37%
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Résumé

The Stillness of the Wind décrit la vie de Talma comme ” rude mais simple “. Malheureusement, l’expérience utilisateur tend à prouver le contraire. Lent, le jeu se boucle néanmoins rapidement ; malheureusement pour certains, victimes de bugs, la fin restera inaccessible. Le message convoyé d’un idéal champêtre se dessert finalement lui-même en omettant de réaliser qu’il y a une subtile différence entre prendre son temps et gâcher son temps.

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LuckyVixou
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Fan de (J)RPG, de jeux indie, d’anime et de manga. Lectrice et brodeuse.

2 Commentaires
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Bruno

Un article intéressant et bien écrit. Un jeu que je n achèterai pas.