Ce matin quand je suis (une fois de plus) arrivé en retard à mon cours de microbiologie, une pensée que nombre d’entre vous ont sûrement déjà eue m’a traversé l’esprit : si seulement j’avais pu remonter le temps ! J’aurais pensé, par exemple, à mettre un deuxième réveil plutôt que de compter sottement sur ma volonté d’assister à ce cours et je serais ainsi arrivé à l’heure. Hélas, la cruelle réalité dans laquelle nous vivons n’est pas aussi clémente, si bien que je n’ai pu échapper à mon destin et me suis fait sauvagement houspiller par mon enseignant. A défaut de pouvoir manipuler le temps dans notre quotidien, le studio de développement des Voxel Agents a décidé de transcrire ce désir dans The Gardens Between, un jeu de réflexion ingénieux et mélancolique disponible sur Nintendo Switch. Alors que les jeux de casse-tête purs sont de plus en plus rares sur les consoles de salon, la console hybride propose ce curieux titre aux amateurs du genre : avons-nous là un trésor d’ingéniosité ou une harassante prise de tête ? Réponse immédiate dans notre test !
Comme d’habitude, vous pouvez accompagner votre lecture d’un extrait de la bande-sonore du jeu.
Inside-Out
L’histoire de The Gardens Between commence d’une manière classique et efficace : Arina, une jeune fille au caractère bien trempée, vient tout juste d’emménager dans son nouveau quartier. où elle ne connait rien, ni personne Furieuse à l’idée d’avoir quitté son ancien foyer, elle ne remarque pas immédiatement la présence de Frendt, un sympathique garçon dont la bonhommie va rapidement dérider la jeune fille. Tout naturellement, les deux enfants deviennent rapidement de bons amis et passent leurs après-midi ensembles, à jouer dans leur cabane dans le jardin séparant (ou unissant ?) leurs deux maisons. Une nuit, alors qu’un orage se déchaîne sur la ville, un évènement que l’on pourrait qualifier de surnaturel va transporter les deux compères dans un univers onirique se résumant à un ensemble d’archipels dont chaque île est un souvenir d’un moment qu’ils ont partagé tout les deux depuis l’arrivée d’Arina. Dans ce monde, le temps est bien plus malléable que dans la cruelle réalité que nous avions évoquée plus haut : Arina et Frendt découvrent rapidement qu’ils peuvent accélérer, ralentir, voire rembobiner le temps, ce qui leur permettra de résoudre une série d’énigmes toutes plus ingénieuses les unes que les autres.
Entre Professeur Layton et Alice aux Pays des Merveilles
Depuis que je suis tombé dans les jeux vidéo, mes goûts ont changé : je me suis ouvert à d’autres genres de jeux, j’ai découvert de nouveaux créateurs et j’ai expérimenté de nombreuses conceptions de ce divertissement. En revanche, une chose ne m’a jamais quittée : mon admiration pour les créateurs d’énigmes. Feu Akira Tago m’avait ébloui par ces milliers d’énigmes qu’il avait créées pour les six jeux de Professeur Layton tandis qu’Eiji Aonuma et Hidemaro Fujibayashi nous ont transporté à travers des donjons extraordinaires dans les titres de la série Zelda. Pourtant, les Australiens des Voxel Agents ne sont pas en reste par rapport à leurs homologues japonais : The Gardens Between se caractérise par un gameplay minimaliste qui parvient paradoxalement à poser les bases d’une forme de réflexion totalement unique. En poussant le stick droit vers la droite ou vers la gauche, nous pouvons orienter les déplacements de nos deux protagonistes (rien de bien surprenant jusque là), mais aussi et surtout d’influencer le cours du temps ! Manipuler ainsi le temps vous permettra de créer un chemin pour parvenir au sommet de l’île sur laquelle se déroule chaque niveau. Prenons un exemple : dans l’une des toutes premières énigmes, le passage est bloqué par un éboulement d’os de dinosaures. En remontant le temps, les os se remettront en place et reconstitueront le squelette de la bête tout en dégageant la voie. Et ceci est le plus basique des exemples que nous pouvions vous donner : attendez-vous à être ébahis devant l’ingéniosité des concepteurs du jeu !
Le force de l’ingéniosité
Si vous ne déplacez pas directement Arina et Frendt à proprement parler, chacun des deux enfants possède des aptitudes personnelles avec lesquelles vous devrez composer de manière coordonnée pour achever le niveau en cours. Tandis qu’Arina se charge de transporter une lanterne magique permettant de recueillir les sphères de lumière indispensables pour activer le portail présent à chaque fin de niveau, Frendt se caractérise par sa capacité d’interagir avec divers mécanismes disséminés dans les énigmes dont il vous faudra comprendre le fonctionnement pour libérer la voie. En soi, Arina et Frendt sont toujours liés l’un à l’autre, le jeu ne permettant pas de les séparer de manière définitive : ainsi, il est impossible que vous fassiez une erreur vous obligeant à recommencer le niveau entièrement. Au final, The Gardens Between se démarque de la masse des jeux de casse-têtes par l’ingéniosité et l’imagination sans limite de ses créateurs. J’ai parlé plus haut de mon admiration pour les grands concepteurs d’énigmes de notre époque, mais je n’hésiterais pas à dire que les créateurs de The Gardens Between n’auraient rien à leur envier dans un jeu à budget équivalent ! Je n’ai qu’une hâte : que le studio se développe et qu’il nous produise des jeux à grandes échelles pour faire profiter à tous les joueurs de leur maîtrise et de leur réflexion. La difficulté a été admirablement bien dosée : il sera fréquent de rebrousser chemin et de devoir vous poser quelques minutes pour comprendre comment venir à bout de l’énigme en cours, sans pour autnt virer en prise de tête insupportable. Le maître mot de The Gardens Between est l’imagination : à vous de la développer suffisamment pour comprendre où les concepteurs veulent vous emmener !
Quand la narration entre en scène…
Si vous suivez depuis quelques temps les tests que j’ai pu écrire sur Switch-Actu, vous aurez probablement remarqué mon affect pour les jeux narratifs, un style de jeu dont la Switch commence à être fort bien pourvue. Alors que The Gardens Between commençait déjà à me séduire, le coup de grâce est venu quand le titre de Voxel Agents a dévoilé sa légère, mais appréciable dimension narrative. Comme nous l’avions dit plus haut, l’univers onirique dans lequel atterrissent Arina et Frendt est composé d’archipels. Résoudre les énigmes de l’un d’entre eux signifie également avoir accès à une toute petite séquence dans laquelle vous observez la vie des deux amis. Quelques moments touchants sont à prévoir, notamment quand Arina arrive avec deux esquimaux qu’elle entend bien partager avec son nouvel ami. On suit ainsi avec un sourire aux lèvres la vie de ces deux enfants en observant avec attention les fragments de souvenirs distribués au compte-goutte, et il est difficile de ne pas laisser échapper une exclamation (dont je ne préciserai pas la nature) quand vient la conclusion de leur histoire.
Enfin, notons que le titre se caractérise par une DA aux couleurs pastels tout à fait efficace : une intense sensation de mélancolie se dégage de la vingtaine de niveaux que vous aurez à résoudre qui n’est pas sans rappeler Rime ou l’excellent Monument Valley. Les musiques très en retrait contribuent toutefois à l’élaboration de cette douce atmosphère qui est parfois entachée de quelques ralentissements dans les phases narratives.
Avis final
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Un trésor d'ingéniosité - 85%85%
Résumé
Un excellent puzzle-game. En exploitant la mécanique du temps, The Gardens Between parvient à créer une série d’énigmes rivalisant d’ingéniosité et témoigne de l’esprit brillant de ses créateurs. Ajoutez à cela l’effort fourni pour créer une dimension narrative discrète mais bien menée, portée par une direction artistique douce et agréable aux yeux, et vous obtenez une pièce de qualité dans le genre des jeux de réflexion. Un travail soigné à tous points de vue !
Ce jeu me dit bien !! 🙂