Balan Wonderworld, quand le rêve tourne au cauchemar – TEST

balan wonderworld sonic switch
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Quand Square Enix a annoncé la sortie de Balan Wonderworld, j’étais prudent mais emballé, sans même être un grand fan des jeux précédents du papa de Sonic : enfin, le retour de la plates-forme 3D grand public – chez d’autres éditeurs que Nintendo, j’entends ! Puis, comme tout le monde, j’ai perdu complètement espoir dans le projet en découvrant la démo catastrophique qui avait été proposée. On ne pourra cependant pas reprocher à l’éditeur japonais son manque de transparence, lui qui a déclaré avant même la sortie du titre être conscient des problèmes soulevés par les joueurs et qu’un patch day one viendrait régler certains d’entre eux. Alors, un peu rassuré, j’ai lancé le titre. Est-ce que la mise à jour allait arriver à sauver le soldat Balan ?

Quelques bons points, néanmoins

Spoiler alert : non, pas du tout. Je dirais même que j’aurais du mal à trouver les différences flagrantes entre la démo et la version à laquelle j’ai pu jouer. Mais, avant d’expliquer ce qui ne va pas, tâchons de trouver quelques qualités à la dernière œuvre de Yuji Naka, car il y en a. Tout d’abord, on ne peut que souligner le concept du jeu, assez intéressant, qui vous fait rentrer dans le cœur de personnages pour les sauver d’un mal-être qui les ronge, presque comme une version pour enfants d’un Persona. Cela nous offre une justification au design fantasque des niveaux tout en nous faisant découvrir une multitude de petites histoires, pour certaines assez touchantes.

On ne pourra que regretter, en revanche, que celles-ci ne soient racontées qu’en fin de chapitre, ce qui nous empêche de saisir de prime abord les enjeux auxquels nous allons être confrontés, d’autant plus dommage que les cinématiques qui les introduisent sont d’excellente facture, ce qui contraste quelque peu avec la production value du reste du jeu. La multitude de chapitres – douze, au total – permet aussi à Balan Wonderworld d’offrir une multitude d’environnements, certains plus réussis que d’autres, mais tous très bien mis en musique par Ryō Yamazaki (Dirge of Cerberus: Final Fantasy VII, Final Fantasy Crystal Chronicles: The Crystal Bearers…), qui arrive à saisir l’ambiance de chaque lieu et nous proposer des compositions qui siéent parfaitement à un jeu de plates-formes tout public. Enfin, malgré les problèmes soulevés ci-dessous, on pourra noter quelques fulgurances de game design avec des puzzles intelligents.

Ça rame Wonderworld

Ces qualités ne peuvent cependant pas compenser les défauts de Balan Wonderworld, tant celui-ci fait figure d’accident industriel rare, qui ne pourrait être égalé que par Shenmue III : comme c’était d’ailleurs le cas avec Yū Suzuki, il semble parfois que Yuji Naka n’ait joué à aucun jeu de plates-formes depuis 2004, ce qui fait que l’on a devant nous un titre qui sent le formol sur tous ses aspects, rempli de bonnes idées mais qui ne sait pas du tout comment les appliquer. Et qui souffre de tellement de problèmes que je ne sais par lequel commencer. Soulignons donc ce qui frappera le plus les joueurs Switch en lançant le jeu : c’est moche. Et pas qu’un peu. Les couleurs, à la fois sombres et pétantes, mettront vos yeux à l’épreuve, l’aliasing est omniprésent, les décors sont constitués de textures sommaires plaquées sur des formes qui ne le sont pas moins…

On pourrait pardonner tout cela si ces concessions graphiques s’étaient faites au profit d’un gameplay fluide, mais ce n’est pas le cas : dans un genre où la précision des actions et la vitesse à laquelle exécuter celles-ci est primordiale, Balan Wonderworld rame constamment, et les morts idiotes s’enchaînent dès que l’on nous demande, par exemple, de sauter sur des plates-formes mobiles. Quand ce n’est pas le framerate qui est la cause de nos trépas, c’est cette foutue caméra, qui a le chic pour se coincer dans tous les angles incongrus qu’elle trouvera, qui provoquera votre mort. Et qu’on ne vienne pas me dire que tout ça est un aléa de la version Switch : oui, la console de Nintendo est plus limitée que celles de la concurrence, mais quand on voit le travail effectué sur Crash Bandicoot 4, on ne peut tout simplement pas pardonner ce que l’on voit ici à l’écran. De toute façon, même la version PlayStation 5 du titre n’est pas épargnée par son plus grand écueil : son game design complètement raté.

Des niveaux pas au niveau

Comme la majorité des platformers, Balan Wonderworld est articulé autour de niveaux dans lesquels, en plus d’atteindre la ligne d’arrivée – ce qui est généralement assez simple, il va falloir accomplir d’autres objectifs : ici, ce sera ramasser des statuettes. Une bonne idée en soi pour inviter le public à parcourir les niveaux de fond en comble, mais le jeu de Yuji Naka se prend les pieds dans le tapis avec son système de costumes conférant des pouvoirs aux personnages : ceux-ci, qui se débloquent avec des clefs (complètement inutiles étant donné qu’elles se trouvent généralement à quelques mètres desdits costumes), vous permettront, en plus d’avancer dans le jeu, d’atteindre des statuettes en les utilisant intelligemment.

Et c’est là que commencent les problèmes : premièrement, vous êtes limité à trois costumes simultanés, ce qui vous obligera à faire des allers-retours incessants vers le check-point le plus proche pour en changer. Deuxièmement, vous aurez souvent besoin d’un costume qui ne se débloquera que bien plus tard dans le jeu, ce qui ne sera jamais clair dans le level design, d’autant plus que beaucoup d’entre eux ont des pouvoirs assez similaires. Vous allez donc passer le plus clair de votre temps à tenter des choses et échouer lamentablement et, même quand vous allez réussir, vous ne saurez pas si c’est parce que vous aurez abusé du level design façon speedrun ou si c’est ce que l’équipe attendait de vous. En un mot comme en cent, Balan Wonderworld récompensera le fait de vous perdre et non l’exploration des niveaux, ce qui rend le fait de parcourir ceux-ci vraiment désagréable.

La guerre du bouton

Cette rigidité dans la conception même du jeu se retrouve manette en main, autant dans les animations absolument risibles des personnages (qui courent comme Sonic alors qu’ils avancent à deux à l’heure) que dans la prise en main desdits costumes. L’équipe a en effet fait le choix de n’avoir qu’un seul bouton d’action – autrement dit, presser n’importe quelle touche, à l’exception de L et R, aura le même effet, ce qui fait qu’un costume qui vous fera cracher du feu, par exemple ne vous permettra pas de sauter. Une incongruité qui atteint son paroxysme avec certains costumes qui vous permettront certes de sauter mais au prix d’un pouvoir qui ne se déclenchera que quand vous serez immobile ou de manière aléatoire (sympa quand ledit pouvoir est une accélération, par exemple). Qui plus est, le changement de costume prend une bonne seconde : impossible, dès lors, de s’adapter rapidement à une situation.

Un problème incompréhensible qui aurait pu, et dû, être réglé dès le début du développement de Balan Wonderworld. Un problème symptomatique de tous ceux qui émaillent le jeu, qui semble avoir souffert de gros soucis dans son développement et qui n’est, au final, jamais agréable à jouer, même en tant qu’objet purement nanar. Il ne s’agit pas là de faire porter le blâme à quiconque, d’autant plus que l’équipe semble avoir vraiment voulu faire des efforts pour faire varier les plaisirs (phases de QTE mettant en scène Balan, mini-jeux, hub principal à faire évoluer…) mais simplement de regretter le potentiel gâché de ce qui aurait pu, sous de meilleures auspices, devenir une franchise très intéressante.

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Quand le rêve tourne au cauchemar
  • À nos actes manqués - 25%
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À nos actes manqués

Il est difficile de savoir ce qui s’est passé durant le développement de Balan Wonderworld pour que l’on arrive à un résultat aussi raté : malgré un univers intéressant et des compositions réussies, le reste du jeu n’est ni fait ni à faire et cumule des défauts de game design d’un autre âge. Si l’on ajoute à cela une technique particulièrement défaillante sur Switch, on ne peut que vous recommander d’éviter le dernier projet de Yuji Naka, à moins d’être un collectionneur aguerri ou un masochiste averti.

Les +

  • Balan est un personnage attachant
  • Quelques designs réussis
  • Très chouettes musiques qu’on prendra plaisir à réécouter
  • De rares bonnes idées
  • Un univers prometteur

Les -

  • C’est hideux
  • Ça rame
  • Niveaux illisibles et trop grands
  • Désagréable à parcourir
  • Très, très lent
  • Costumes qui alourdissent le gameplay
  • Un seul bouton utilisé, mais quand même mal utilisé
  • Aberrant de bout en bout
  • Même pas drôle au dixième degré
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lunapolitana
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Fan de consoles Nintendo et de jeux japonais depuis que je suis en âge de tenir une manette. Si je ne suis pas dispo, c'est probablement que je visite un parc Disney.