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Silence, le pouvoir de l’imagination – TEST

Si nous comprenons de plus en plus finement comment fonctionne le monde dans lequel nous vivons, nous ignorons encore tant de choses à son sujet qu’il s’écoulera des siècles avant que nous ne puissions plus user de notre imagination pour expliquer tel ou tel phénomène encore bien mystérieux. C’est cette faculté à double-tranchant dont est pourvue l’espèce humaine qui lui permet de se projeter dans un avenir encore incertain et d’agir pour concrétiser ses rêves. Mais c’est également cette capacité qui fera également grandement souffrir quiconque ne parvient plus à distinguer les rêves de la réalité. Certains auteurs firent de cette capacité le pilier central de leurs oeuvres : Lewis Carroll emmena de nombreux lecteurs dans l’univers fantastique d’Alice au Pays des Merveilles et des années plus tard, Bill Waterson montra à son tour la puissance de l’imagination d’un enfant dans ses célèbres comics de Calvin & Hobbes. Les jeux vidéo aussi sont capables de s’approprier des concepts aussi abstraits pour en faire le coeur des aventures qu’ils racontent : c’est le cas de Silence, un nouveau jeu narratif tout droit sorti des studios de Daedalic Entertainment à qui nous devons notamment la sombre dystopie qu’est State of Mind.

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Les liens du sang

L’histoire de Silence commence de manière violente et brutale quand une ville enneigée subit un effroyable bombardement détruisant tout sur son passage. Heureusement, le jeune Noah parvient à retrouver immédiatement sa petite soeur Renie occupée à faire un bonhomme de neige et l’emmène avec elle. Courant dans les rues en proie aux flammes, les deux jeunes gens parviennent in extremis à se réfugier dans un bunker dans l’espoir d’être protégés du feu du ciel. Et bien vite, le courage de Renie commence à flancher, l’épreuve étant rude pour la fillette. En grand frère attentionné, Noah s’occupe immédiatement de sa petite soeur dans l’optique de lui changer les idées et se met alors à raconter l’étrange histoire du clown Sadwick et du monde fantastique de Silence : l’histoire de ce royaume oublié situé à la mince frontière séparant la vie et la mort semble être un point-clé de la vie de Renie qui se montre immédiatement attentive. C’est par ailleurs à ce moment précis que s’illustre une des grandes forces de Silence : la relation unissant ses deux protagonistes. J’ai régulièrement été attendri par la touchante tendresse mutuelle entre Noah et Renie. Les deux personnages étant individuellement très bien écrits, on se réjouit d’autant plus de leurs multiples interactions et on se sent immédiatement concerné par leur sort.

A noter que Sadwick est en réalité le protagoniste principal d’un autre jeu paru en 2009 sur PC et Nintendo DS : Les Chroniques de Sadwick – The Whispered World dans lequel nous suivions les aventures du malheureux clown dans sa quête pour sauver l’humanité. Silence s’avère être la suite plus ou moins directe de ce jeu et on pourra regretter que le premier épisode n’ait pas été publié sur Switch : j’ai été quelque peu perdu au début de l’intrigue quand Renie et Noah se sont mis à parler directement de Sadwick et de sa quête du trône du royaume de Silence. Toutefois, on passe rapidement cet instant d’incompréhension pour se laisser porter par le destin de nos deux jeunes gens.

Renie au Pays des Merveilles

Grâce à ses talents de conteurs, Noah parvient rapidement à calmer sa petite soeur et même à la faire rire quand une bombe de trop s’écrase pile sur le bunker qui se retrouve réduit en cendres. A moitié enseveli sous les gravats, une seule chose donne à Noah la force de se relever : retrouver sa petite soeur, disparue depuis le dramatique évènement. Après quelques tribulations pour s’extirper des restes du bunker, Noah se retrouve non pas dans une ville en ruines mais justement dans le monde fantastique de Silence et il ne faudra pas longtemps avant que vous ne soyez rendu muet comme une carpe par la beauté des décors du jeu.

Dessinés à la main, bourrés de détails et d’animations toutes plus belles les unes que les autres, les environnements sont une succession de tableaux enchanteurs qui transmettent une envie contagieuse de s’y perdre pour ne plus jamais rentrer. Le jeu est servi par une technique globalement bnne : résolution et framerate sont au rendez-vous mais on notera cependant quelques légers soucis de clipping.

La palette de couleurs crépusculaires de la première partie de l’aventure parvient à créer sans aucun problème une atmosphère empreinte de douceur et de mélancolie. Et pourtant, le royaume est loin d’être le havre de paix que l’on aurait pu imaginer : dominé par la despotique Fausse Reine et son armée de Traqueurs, d’obscures créatures aux intentions meurtrières, Silence est au bord de la guerre civile et les victimes seront nombreuses si le monarque légitime ne revient pas rapidement sur le trône.

Professeur Noah et l’Etrange Silence

Reprenant les classiques du point & clic, Silence vous propose de contrôler directement vos personnages pour interagir avec les différents éléments du décor afin de trouver un chemin et résoudre les énigmes imposées pour poursuivre votre route. Pour ne rien perdre de toute la splendeur des environnements du jeu, l’affichage des interactions est minimaliste et n’est présent que lorsque vous êtes à proximité d’un élément utilisable. Silence a le mérite de proposer une réflexion diversifiée en dépit d’une difficulté mal calibrée : si la plupart des énigmes sont très aisément résolues, certaines sont faussement ardues et vous en viendrez à bout plus par le hasard des choses que par une véritable réflexion. Néanmoins, aucun sentiment de répétitivité ne vient parasiter votre voyage en grande partie grâce à l’intervention de Spot, une adorable chenille ne s’exprimant que par d’étranges borborygmes, qui occupe une place capitale dans la résolution des différents puzzles. Polymorphe et pas froussard pour un sou, Spot peut devenir plat comme crêpe ou rond comme un ballon quand il ne crache pas du feu ou de l’eau. Il faudra donc soigneusement réfléchir à l’ordre de vos actions quand vous serez confrontés à une énigme surtout quand elle vous force à alterner entre l’un des deux protagonistes et Spot.

Cet étrange compagnon n’est d’ailleurs pas la seule rencontre que vous ferez lors de votre quête : la guerrière Kyra rejoindra très vite Noah dans ses recherches tandis que le courageux Sam prendra Renie sous son aile pour la protéger des multiples dangers mortels que renferment les forêts du royaume. Globalement, la trame narrative est quelque peu décevante : si le royaume de Silence m’a attiré dès le départ, l’histoire que racontent les différents protagonistes est trop vite expédiée et manque cruellement de consistance pour offrir une épopée digne de ce nom. Très peu de détails sont donnés au joueur et il est difficile de saisir les enjeux de l’aventure, surtout dans la mesure où certain éléments importants sont présents dans l’histoire des Chroniques de Sadwick. Si le jeu n’est en rien répétitif, son histoire trop superficiellement amenée peine à captiver malgré le potentiel qui s’en dégage, ce qui est tout de même très fâcheux pour un jeu narratif !

Silence : le sens de tout cela ?

Dans l’édition française, les voix sont uniquement disponibles en anglais et ne participent sûrement pas à la transmission des émotions véhiculées par le récit : apathique et manquant cruellement d’intonation, le voice-acting de Silence loupe clairement l’objectif. Le regret est d’autant plus fort quand on se rend compte que la bande-son du jeu est, elle, très réussie et traduit avec justesse la mélancolie et la douceur qui se dégagent des environnements du royaume. On regrettera quelques passages de l’intrigue où la mise en scène devient plus que grossière avec un enchaînement des évènements parfois inattendu, mais pas dans le bon sens du terme.

Pourtant, l’histoire de Silence aurait pu être tout simplement exceptionnelle avec un peu plus de temps accordée à celle-ci : tous les éléments sont présents pour créer un univers cohérent et raconter une histoire captivante avec un plottwist final qui aurait gagné en force s’il avait été inscrit dans une narration plus précise. Tout le travail réalisé autour de la relation unissant Noah à Renie se retrouve gâché par le manque de consistance de la toile de fond qui ne nous permet pas de comprendre les enjeux de cette aventure. Daedalic n’a pas suffisamment développé et approfondi l’intrigue du jeu pour conserver l’attention des joueurs sur toute la (faible) durée de leur épopée : comptez environ 5 à 6 heures de jeu pour en venir à bout, ce qui revient à cher quand on sait que le titre est actuellement vendu à 40€ sur le Nintendo eShop.

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Bel emballage, faible contenu
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Résumé

Si Silence est assurément un des plus beaux jeux qui existent sur la console, le charme se trouve rapidement terni quand on se rend compte qu’il n’y a pas tant de contenu derrière ce bel emballage. La faute à une trame trop superficielle et expédiée avec trop peu d’explications malgré le duo aussi touchant qu’émouvant formé par Noah et Renie. Avec plus de soin apporté à l’écriture, Silence aurait pu aisément faire oublier ses énigmes à la difficulté mal calibrée grâce à son aspect visuel saisissant et sa bande-son excellente. Un potentiel trop peu exploité malgré de nombreuses possibilités.

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LatoJuana
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Gamer de 26 ans avec un penchant pour les jeux racontant de belles histoires. Je suis rédacteur sur le site depuis 2017. Zelda reste ma licence de cœur mais j'aime découvrir des jeux de toutes sortes !

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