Il y a trois certitudes dans la vie : la mort, les impôts, et un nouveau portage de Skyrim à chaque génération de console. Alors que la Switch 2 est disponible depuis le mois de juin 2025 et commence à nous offrir des expériences techniques bluffantes, Bethesda ne manque pas l’appel et propose une énième réédition de son titre phare. Mais, après tant d’années et de versions, le souffle épique de Bordeciel suffit-il à masquer une paresse technique qui commence à se voir ?
Il est difficile d’aborder Skyrim sans évoquer son statut de monument. Depuis 2011, le titre a défini les standards du monde ouvert occidental et continue, près de quinze ans plus tard, de fasciner par sa densité et sa liberté d’action. Cette Anniversary Edition sur Switch 2 se veut la version ultime pour les amateurs de RPG, regroupant les extensions Dawnguard, Hearthfire et Dragonborn, ainsi que les ajouts du Creation Club (pêche, mode survie…). Sur le papier, la promesse est alléchante : emporter la version la plus complète et la plus soignée de ce chef-d’œuvre partout avec soi. Si Lato ne tarissait pas d’éloges lors du test de 2017, la pilule risque d’être un peu plus dure à avaler cette fois, mais chaque chose en son temps…
Dès les premiers instants, une fois la célèbre introduction en charrette passée, le frisson familier opère immédiatement. Pour le néophyte qui n’aurait jamais touché à un Elder Scrolls, le vertige de la découverte reste intact. Cette capacité à ignorer la quête principale pour se perdre dans une grotte, battre la campagne ou simplement se laisser happer par les paysages fantastiques de Bordeciel, demeure une leçon de game design que peu de studios maîtrisent avec autant de brio. Mais au-delà du plaisir de la découverte, la technique suit-elle sur la nouvelle console de Nintendo ?



Une beauté figée dans le temps
Visuellement, la réponse est plutôt positive. Si le charme opère toujours grâce à une direction artistique intemporelle, l’apport de la Switch 2 est indéniable. La machine a prouvé depuis sa sortie qu’elle en avait dans le ventre, et elle affiche ici un rendu d’une propreté clinique, probablement proche du 1440p en mode docké. Les effets de lumière, qu’ils soient dus aux torches ou aux sorts de destruction, profitent d’un éclat nouveau. On redécouvre certains détails des armures et de la végétation qui étaient auparavant brouillés par l’aliasing de la première Switch. Visuellement, le contrat est rempli et Skyrim n’a jamais été aussi beau sur une plateforme nomade. C’est fin, c’est propre, et la distance d’affichage permet enfin d’apprécier l’immensité de la toundra sans brouillard ou flou cache-misère.



L’incompréhensible dette technique
Cependant, cette finesse visuelle s’accompagne d’une fluidité qui pose question. Le jeu tourne, et c’est une surprise désagréable, à 30 images par seconde. Certes, ces 30 FPS sont constants, mais on est en droit d’attendre bien mieux d’une console capable de faire tourner des monstres technologiques récents comme Assassins creed Shadows ou Star Wars Outlaws. Voir Bordeciel ainsi figé dans un framerate d’une autre époque laisse un arrière-goût amer. Plus grave encore, c’est la sensation manette en main qui fâche.
Nous avons relevé un input lag (delais entre la manette et le jeu) perceptible, rendant les combats encore plus lourds qu’à l’accoutumée. Viser à l’arc demande une anticipation désagréable, et les parades au bouclier manquent de ce répondant instantané nécessaire. La comparaison avec le portage de Cyberpunk 2077 par CD Projekt sur la même machine est cruelle, il est inacceptable qu’un titre de l’ère PS3/360 peine à offrir une expérience de jeu irréprochable sur un matériel de 2025.



L’absence des mods : la goutte d’eau ?
Au-delà de la technique, c’est sur le contenu que la pilule a le plus de mal à passer. Si le Creation Club est bien présent, c’est uniquement parce qu’il s’agit de contenu certifié et signé par Bethesda. En revanche, le véritable navigateur de mods gratuits, celui qui fait la richesse infinie de la version PC / PlayStation / Xbox, est aux abonnés absents. Cette amputation est la conséquence directe de la politique draconienne (vous l’avez ?) de Nintendo. Pour des raisons de sécurité, le constructeur interdit formellement l’exécution de scripts ou de fichiers externes non validés sur sa machine.
Le résultat est cruel pour le joueur, car on se retrouve avec une édition dite « définitive » mais privée de son poumon communautaire. Couplé à un tarif plein pot de 59,99€, ce manque renforce le sentiment désagréable que les joueurs Nintendo sont considérés comme des vaches à lait. On nous demande de payer le prix fort pour une version techniquement datée en 30 FPS et fonctionnellement bridée par rapport à la concurrence. C’est une « taxe portable » de plus en plus difficile à justifier en 2025.
La touche Nintendo : amiibo et Joy-Con 2
Consolation maigre mais sympathique, cette version conserve les exclusivités propres à l’écosystème Nintendo. La compatibilité amiibo est toujours de la partie et permet, avec un peu de chance, de récupérer l’équipement complet de Link (la Master Sword, le Bouclier d’Hylia et la Tunique de Prodige) en scannant des figurines de la série The Legend of Zelda. C’est du pur fan service, mais parcourir Bordeciel avec l’épée de légende fait toujours son petit effet.



Enfin, la reconnaissance de mouvements via les Joy-Con est toujours présente. Si le combat à l’épée en secouant la manette reste anecdotique, la visée gyroscopique apporte une précision et un confort indéniables que les autres consoles n’ont pas, surtout en mode portable.
Bugthesda : entre folklore et lassitude
Il serait malhonnête de ne pas évoquer l’état de finition du titre qui, quinze ans plus tard, traîne toujours ses casseroles. Durant notre test, nous avons eu droit à nos « classiques » : une physique de cheval « impeccable » défiant la gravité en pleine montagne, ou pire, des murs qui s’évaporent dans les tréfonds d’un donjon, rendant la validation de la quête tout bonnement impossible. C’est fatigant, indéniablement. Se dire qu’après tant de rééditions et de patchs, le jeu conserve ces errances techniques et parfois bloquantes, a de quoi laisser perplexe sur le soin apporté à cette version Switch 2.
Pourtant, une question subsiste : est-ce grave ? Pour le vétéran, il y a presque une forme de tendresse, une tolérance nostalgique envers ces bugs qui font partie de l’ADN de Skyrim et participent à son « charme » chaotique. On sourit, on souffle un coup, et on relance. Mais si l’on regarde la chose avec l’objectivité d’un testeur face à un produit vendu 60 euros en 2025, le constat est plus sévère. Ce qui passait pour du folklore il y a dix ans ressemble aujourd’hui à un manque de respect. C’est drôle cinq minutes, mais inacceptable pour une version qui se revendique « Anniversary ».



Conclusion - Un chef-d'œuvre fatigué
Difficile de noter ce Skyrim Anniversary Edition sur Switch 2. D’un côté, on retrouve avec un plaisir intact l’un des meilleurs RPG de tous les temps, dans sa version visuellement la plus fine jamais vue sur une console Nintendo. L’aventure est gigantesque et la magie opère toujours. De l’autre, on ne peut cautionner la paresse technique d’un portage bloqué à 30 FPS avec de l’input lag, ni l’absence scandaleuse du support des mods communautaires. À ce prix-là, la Switch 2 méritait mieux qu’une version inférieure aux standards actuels.
- La version portable la plus belle à ce jour.
- Contenu de base pharaonique.
- Une direction artistique et une OST toujours grandioses.
- L’absence impardonnable du store de mods gratuits.
- Bloqué à 30 FPS, incompréhensible sur Switch 2.
- Un input lag désagréable dans les combats.
- Le prix fort pour une version techniquement plus faible que chez les concurrents.

