SEGA continue de généreusement abreuver les joueuses et joueurs Switch 2 en quête de portages de leurs – souvent excellents – jeux. Après un Persona 5 Royal qui nous avait régalé(e)s autant par la qualité du jeu original que pour son portage très réussi, c’est au tour de Persona 3 Reload, remake du troisième jeu de la série, de se frayer un chemin vers une console Nintendo, plus d’un an et demi après sa sortie sur les autres systèmes. En espérant que les capacités techniques bien supérieures de la deuxième Switch permettront à ce remake de briller sur celle-ci… n’est-ce pas ?
L’heure sombre (rien à voir avec la fréquence du même nom)
Mais commençons par le commencement : votre héros, que vous nommerez, arrive dans un nouvel environnement. Une ville où il s’apprête à débuter sa nouvelle année de lycée, dans un établissement qui semble assez chic, situé sur une île, et où il rencontrera d’autres camarades, certains logeant dans le même dortoir que lui. Mais voilà, un mal mystérieux s’abat sur ce monde : tous les soirs à minuit, une vingt-cinquième heure cachée commence, durant laquelle la plupart des habitants sont transformés en cercueils tandis que quelques élus gardent conscience et peuvent explorer ces environnements désolés. Cette heure sombre voit aussi le lycée se transformer en une tour géante, le Tartare, remplie de monstres. C’est donc dans l’optique de découvrir la cause de cette heure cachée que notre héros va rejoindre une unité spéciale dédiée à l’exploration de cette tour.
Le jour, ces lycéens vivront une ville on ne peut plus normale, entre révisions, moments passés entre copains et petits boulot. Mais, une fois l’heure cachée débutée, ils pourront se transformer en redoutables chasseurs de monstres – appelés ici « ombres », qu’ils pourront occire en invoquant des Persona, entités aux pouvoirs variés décuplant leurs forces. Comme d’habitude dans la série, Persona 3 Reload est découpé selon un calendrier et vous fera jouer au rythme des années scolaires, avec des événements se déroulant à intervalles réguliers en fonction du cycle de la lune. On notera d’ailleurs que les virées au Tartare sont (ou tout du moins, peuvent être) relativement rares, ce qui donne parfois au jeu un genre de faux rythme, avec de longues périodes de calmes entrecoupées qui suivront des journées ultra chargées, et je dois avouer que, malgré le côté relativement prenant de l’ensemble, l’ennui a parfois pointé le bout de son nez à cause de la redondance de la vie quotidienne, pourtant indispensable à mener pour pouvoir progresser dans l’aventure, notamment en renforçant son lien avec ses amis, qui permettra de renforcer la puissance des Persona associées.
Tête-à-tête tartare
Bien que ne constituant au doigt jeté qu’un tiers du jeu, les sorties au Tartare sont le cœur de l’expérience en termes de gameplay. Malheureusement, fini ici les donjons de caractère au level design bien fichu de Persona 5 Royal : comme c’était le cas dans le jeu original, Persona 3 Reload opte pour des donjons générés aléatoirement, au level design bien plat et aux environnements très répétitifs. S’il y a bel et bien des changements de design entre chaque groupement d’étages, vous allez tout de même parcourir des dizaines d’entre eux sans aucune variation, et je me suis parfois retrouvée à parcourir le Tartare dans une forme de pilote automatique, en écoutant un podcast par exemple. Cela n’est pas foncièrement déplaisant – ça m’a un peu rappelé les phases de grind de Dragon Quest XI S – mais on est loin du raffinement du cinquième épisode à cet égard, qui parvenait à toujours maintenir l’intérêt grâce à un level design travaillé, des coffres bien cachés, et de petits puzzles venant régulièrement ponctuer l’exploration.
Heureusement, les combats se montrent bien plus intéressants, avec le retour du traditionnel système d’exploitation des faiblesses des ennemis. Ici appelé Shift, ce système fonctionne globalement de la même façon que le Baton Pass de Persona 5, mais sans le boost des stats associé : une fois que vous touchez la faiblesse d’un ennemi, vous pouvez lancer une autre attaque ou passer la main à l’un de vos partenaires, avec comme objectif d’assommer tous les ennemis pour pouvoir lancer une dévastatrice attaque groupée (qui, dans la plupart des combats, cause assez de dégâts pour tuer les monstres). Le tout reste extrêmement stylisé, la marque de fabrique de la série, même si on regrettera parfois ces animations un peu longues qui semblent faire office de cache-misère pour apporter du dynamisme à des combats qui sont globalement extrêmement faciles, d’autant plus grâce à la présence d’un bouton choisissant automatiquement une attaque permettant de cibler la faiblesse de l’ennemi, pour autant que vous connaissiez déjà celle-ci. Et, du fait de la spécificité du système, passer dans une difficulté supérieure ne changera pas la donne et ne fera que rendre les combats plus longs en augmentant le nombre de PV des ombres.
Poings de fusion
Le vrai challenge des explorations du Tartare sera donc les combats de boss, demandant plus de stratégie, mais aussi la gestion des points de magie, que l’on ne pourra recharger que via des objets assez rares (bien qu’un peu plus faciles à obtenir dans Persona 3 Reload que dans le cinquième épisode). Car, une fois la jauge de magie vidée, vous n’avez d’autre choix que de rentrer chez vous vous reposer, tant les combats ne sont pas pensés pour être terminés uniquement via des attaques physiques. Bien entendu, vous pouvez retourner au Tartare autant de fois que possible, mais comme d’habitude dans Persona, la méta est d’explorer au maximum en une seule nuit – vous pouvez même y aller une seule fois par mois, en vous débrouillant bien – afin de ne pas perdre du temps qui pourrait être consacré à augmenter vos stats ou les liens sociaux avec vos amis. À vous donc de choisir intelligemment quand et comment attaquer, mais aussi d’explorer consciencieusement les étages à la recherche de coffres pouvant contenir les précieux objets vous permettant de recharger votre précieuse barre jaune.
Une autre des mécaniques importantes associée au Tartare est la gestion de vos Persona. Vous pouvez en obtenir de nouvelles grâce à des cartes pouvant apparaître en fin de combat, mais aussi via la traditionnelle mécanique de fusion, qui consiste à sacrifier deux de vos créatures pour en obtenir une troisième, plus puissante. Le design souvent très réussi des Persona fait que l’on a tendance à s’attacher à elles, mais il ne faut pas hésiter à sacrifier, encore et encore, tout en gardant en tête l’importance d’avoir un roster complémentaire à celui de vos alliés, vous permettant de couvrir toutes les faiblesses des ennemis afin de ne jamais se retrouver pris au dépourvu face à un combat. Les liens sociaux que l’on monte en passant du temps avec nos amis (et en découvrant leurs histoires personnelles, pour beaucoup très intéressantes), permettent aussi d’obtenir un gros boost des stats des Persona lors de la fusion, renforçant donc l’importance et l’intérêt de cet aspect du jeu.
Quid de la version Switch 2 ?
L’heure est venue, enfin, de parler de cette version Switch 2 du jeu, et c’est malheureusement là où le tableau s’assombrit quelque peu. Dur de savoir si le portage a été fait à la va-vite ou si la build de base était mal optimisée, mais le résultat ne s’avère pas vraiment à la hauteur des attentes. Ce premier Persona développé sous Unreal Engine n’offrait déjà pas des performances fameuses sur PS4 et Xbox One, et cela n’est pas beaucoup mieux sur Switch 2. Si Persona 3 Reload s’affiche à la résolution maximum de l’écran – 1080p – en mode portable, il n’en est pas de même en mode docké où il s’affiche inexplicablement à la même résolution qu’en portable, alors que du 1440p semblerait nettement réalisable. Mais le point qui fâche le plus se trouve sans doute au niveau du framerate : non seulement celui-ci est cappé à 30 fps, mais le titre souffre de surcroît d’agaçant problèmes de frame pacing (écart temporel entre deux images) qui donnent souvent l’impression qu’il rame. Si on finit par s’y habituer au fur et à mesure des quatre-vingts heures que durent l’aventure, notamment en mode portable où le problème semble moins gênant, c’est perturbant et un peu agaçant quand on lit Atlus déclarer être très satisfaits du travail accompli sur cette version.
On peut se demander si le passage à l’Unreal Engine, certes plus simple à aborder qu’un moteur maison pour les nouvelles recrues, n’expliquerait pas ces problèmes de performances, et ce malgré le fait que le jeu ne soit pas foncièrement beaucoup plus beau qu’un Persona 5 Royal, d’autant plus que ce dernier affiche des environnements plus grands, détaillés, et densément peuplés. Espérons que cela ne soit pas une indication qu’Atlus se tournerait vers un développement sous le moteur d’Epic pour les prochains jeux de la série – ne serait-ce que pour des raisons de monopole, tant le GFD Engine (moteur maison) semble mieux optimisé et connu des développeurs du studio. Peut-être qu’un possible portage Switch 2 de Metaphor: ReFantazio, qui tourne sous ce dernier, pourrait être plus réussi ? Seul l’avenir pourra nous le dire.
Conclusion - Pas la meilleure version d'un très bon jeu
Persona 3 Reload est un remake fidèle du jeu d’origine et en conserve donc à ce titre quelques tares : un rythme en dents-de-scie, des donjons peu inspirés, et un côté relativement répétitif. Néanmoins, la formule fonctionne toujours, et on prend à plaisir à découvrir la petite vie lycéenne du personnage principal comme à explorer le Tartare et ses combats prenants grâce à l’habituel système du studio. Certes, ceux-ci sont un peu faciles, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un J-RPG très orienté grand public. Dommage néanmoins que ce portage Switch 2 ne fasse pas vraiment honneur au jeu ni aux capacités techniques de la console, avec une résolution limitée au 1080p et de gênants problèmes de frame pacing. Pas de quoi renoncer à l’achat, mais on peut être en droit d’espérer un patch pour régler ces soucis dans le futur.
- Histoire très prenante
- Bizarrement très relaxant à jouer
- Personnages sympathiques auxquels on s’attache vite
- Système de combat toujours excellent
- Incroyable bande-son
- Interface très travaillée
- Toujours aussi amusant de se challenger à parcourir le Tartare en une nuit
- Joli travail sur les animations pour rendre les combats dynamiques
- Problèmes de frame pacing agaçants
- Rythme en dents-de-scie
- Un peu redondant
- Donjons peu inspirés autant visuellement qu’en termes de level design
- Pas vraiment plus beau que Persona 5 Royal
- Navigation dans les menus uniquement à la croix directionnelle