Octopath Traveler 0 sur Switch 2 : l’excellence a un prix – TEST

Octopath Traveler 0 sur Switch 2 : l’excellence a un prix – TEST

Longtemps cantonné aux smartphones, le préquel de la célèbre saga HD-2D débarque enfin sur la console de Nintendo. Octopath Traveler 0 (adapté de Champions of the Continent) tente le pari de transformer une expérience pensée pour le mobile en un jeu premium sur Switch 2. Si la direction artistique brille de mille feux sur le nouvel écran, la transition laisse apparaître quelques cicatrices structurelles. Le voyage en Orsterra vaut-il le coup sans la traduction française ? Voici notre verdict.

Trois tyrans pour une épopée sombre

L’aventure s’ouvre sur un choix crucial qui donne le ton : quelle quête allez-vous poursuivre ? On trouve trois scénarios majeurs : la Richesse (Wealth), le Pouvoir (Power) et la Gloire (Fame). Chaque arc nous confronte à un antagoniste charismatique incarnant l’excès maladif de ces désirs. L’écriture surprend par sa maturité : le ton est bien plus sombre, tragique et cru que dans les opus principaux. On y croise des destins brisés, de la corruption morale et des scènes parfois glaçantes qui marquent l’esprit.

Si ces trois intrigues semblent initialement déconnectées, permettant au joueur de naviguer de l’une à l’autre à sa guise, elles ne sont que les pièces d’un puzzle plus vaste. Une fois les trois chapitres initiaux bouclés, une quatrième histoire majeure se débloque. C’est véritablement ici que le scénario décolle, liant tous les fils narratifs pour offrir une conclusion grandiose. Cette structure demande un peu de patience, mais la récompense narrative en vaut la chandelle.

De l’Elu de l’Anneau à la gestion d’armée

Adapter un jeu conçu pour le format mobile vers une console de salon est un exercice périlleux. Dès les premiers instants, on constate que Square Enix a fait un travail correct pour gommer l’interface tactile. Cependant, la structure même du jeu trahit ses origines. Contrairement aux épisodes canoniques, le joueur crée ici son propre avatar, l’Élu de l’Anneau. Ce protagoniste dispose d’une flexibilité unique absente chez les autres : via le menu « Protagonist’s Jobs », il peut changer de classe à la volée (Guerrier, Voleur, Érudit…) à mesure qu’il apprend de nouvelles compétences de combat. C’est un point fort qui le distingue du reste de la troupe et permet de combler les lacunes tactiques de votre formation.

Car pour le reste, on ne suit plus les destins croisés de huit héros, mais on constitue une véritable armée. Le système de recrutement permet de collectionner plus d’une centaine de personnages. Cette mécanique évoque la gestion d’un Pokédex. Si l’on possède une foule de voyageurs, on ne gère activement qu’une escouade de huit combattants. Le revers de la médaille est immédiat est qu’on ne retient pas les noms. Ces compagnons, bien que très utiles, laissent une impression persistante de n’être que des unités interchangeables. De plus, les interactions avec les PNJ via les Path Actions (Invite, Hire, etc.) permettent d’enrôler des résidents comme soutiens temporaires en combat (Helpers), qui interviennent après une attaque pour soigner ou faire des dégâts supplémentaires. On a vraiment la sensation de gérer des ressources humaines plus qu’une famille d’aventuriers.

Une symphonie tactique à huit temps

C’est dans les affrontements que le titre dévoile sa plus grande richesse. Octopath Traveler 0 reprend les bases du système Break et Boost, mais complexifie la donne avec une équipe de huit personnages répartis en deux lignes (4 devant, 4 derrière). Cette configuration n’est pas qu’esthétique, elle est le cœur du gameplay. Les personnages placés à l’arrière régénèrent automatiquement leurs PV et surtout leurs SP (points de mana) à chaque tour. Cette mécanique de rotation oblige le joueur à composer des duos complémentaires pour alterner entre attaque et récupération. Dans les longs combats de boss, savoir quand «cacher» son soigneur ou son gros DPS pour qu’il récupère son mana sans utiliser d’objet est vital.

De plus, le système introduit les «Ultimate Techniques». Une jauge se remplit en brisant la garde ennemie ou en subissant des dégâts, permettant de déclencher des attaques dévastatrices ou des soins de groupe salvateurs via une pression sur X. Avec la variété des armes et des éléments magiques (foudre, ténèbres, etc.), la couverture des faiblesses ennemies demande une planification minutieuse. C’est dynamique, stratégique, et cela rend les combats particulièrement intenses, bien plus que dans les opus classiques où la gestion du mana était souvent un frein.

Wishvale : Une reconstruction par le combat et l’exploration

L’ajout majeur de cet opus est la gestion de Wishvale. Loin d’être un gadget, ce village en ruines devient le poumon économique de votre aventure. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les matériaux pour reconstruire les maisons de base (Lumber, Stone, Cloth) ne tombent pas du ciel via des quêtes. Ils doivent être récoltés activement dans des zones spécifiques du monde, comme Wishvale Trail ou West Emberglow Wilds. Cela pousse le joueur à explorer et à revisiter certaines routes pour farmer les ressources nécessaires à l’expansion de la ville.

Une fois les bâtiments sur pied, la gestion devient passive mais gratifiante. Le Ranch et les Champs produisent des ressources (viande, œufs, légumes), mais attention : la pousse ne dépend pas du temps réel. Il faut aller gagner des combats pour faire avancer la production. Cette boucle de gameplay incite à enchaîner les batailles pour revenir récolter. Ces vivres servent ensuite au Hub pour cuisiner des plats apportant des bonus statistiques cruciaux. Enfin, pour les améliorations de haut niveau (Upgrade), il faut chasser les ennemis d’élite dans les donjons pour obtenir des Radiant Cornerstones. C’est un système complet : on explore pour bâtir, on combat pour produire, et on chasse l’élite pour améliorer. Seul bémol : les quêtes secondaires données par les PNJ restent, elles, très «FedEx» (aller parler à X, revenir) et cassent parfois ce rythme organique.

Une réalisation somptueuse gâchée par la barrière de la langue

S’il y a bien un domaine où Octopath Traveler 0 met tout le monde d’accord, c’est sa réalisation technique et sonore. La Switch 2 sublime le moteur HD-2D comme jamais auparavant. Les effets de lumière et la profondeur de champ atteignent ici un niveau de raffinement exquis. Mais c’est surtout l’ambiance sonore qui frappe fort. Si l’on retrouve avec plaisir les thèmes cultes du premier opus, la bande-son ne se contente pas de jouer la carte de la nostalgie : elle propose une myriade de compositions inédites grandioses, signées Yasunori Nishiki, qui soulignent la noirceur du récit.

L’immersion est totale grâce à un doublage d’une qualité rare. Que vous choisissiez les voix japonaises ou anglaises, la performance des acteurs est bluffante. Square Enix a mis les petits plats dans les grands en doublant la quasi-totalité des dialogues, même les échanges les plus anodins, donnant une vie incroyable à cet univers. C’est d’autant plus frustrant que cette excellence sonore et visuelle se heurte à un mur : l’absence totale de localisation française. Le jeu est intégralement en anglais (ou japonais). Pour un titre aussi verbeux, qui base tout son intérêt sur ses intrigues politiques et la gestion complexe de ses menus, c’est une barrière infranchissable pour les anglophobes.

Conclusion - Un incontournable... si vous parlez anglais

80%

Octopath Traveler 0 est un incontournable pour les amateurs de JRPG, à une condition stricte : maîtriser l’anglais ou le japonais. Si vous passez cette barrière, vous découvrirez une épopée gargantuesque, sublimée par la puissance de la Switch 2 pour 59,99€. Le système de combat à 8 personnages est sans doute le plus abouti de la série, et la boucle de reconstruction de Wishvale devient vite addictive. Malgré une structure héritée du mobile qui dilue un peu l’attachement aux personnages et des quêtes secondaires anecdotiques, le contenu généreux et la réalisation magistrale justifient amplement le voyage.

Les +
  • La HD-2D atteint son apogée sur Switch 2, c’est sublime
  • Le système de combat à 8 personnages : tactique, nerveux et profond
  • Une durée de vie colossale avec 3 scénarios et une histoire finale
  • L’OST fabuleuse et le doublage intégrale de qualité
  • La reconstruction de Wishvale qui donne un vrai sens aux combats/loots
Les -
  • Pas de traduction française, un défaut majeur pour un JRPG narratif
  • L’aspect «armée de PNJ», on s’attache moins aux personnages que dans les épisodes précédents
  • Des quêtes secondaires très répétitives
  • Le cycle jour/nuit scripté et moins interactif que dans Octopath Traveler II
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Tombée dans l'univers de Nintendo à 3 ans, je suis passionnée par l'industrie du jeu vidéo. Je suis incollable en OST et indétrônable sur Smash Bros Ultimate (et modeste). Du metroidvania au deck building en passant par le roguelite... j'ai un penchant particulier pour les jeux indépendants.


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