On ne peut pas dire que le premier Air Ride fut bien reçu lors de sa sortie sur GameCube en 2003. Arrivant dans la même année que Mario Kart: Double Dash!! et F-Zero GX, le titre de Masahiro Sakurai, développé en moins de six mois, ne bénéficiait pas du même contenu ni des mêmes finitions et beaucoup à l’époque ont critiqué son concept simple, pour ne pas dire simpliste. Mais les années faisant leur chemin, ce premier titre a fini par devenir culte auprès de bon nombres de joueurs, au point de motiver Nintendo à sortir une suite, Kirby Air Riders, l’année de lancement de la Switch 2. La question est donc désormais de savoir si ce nouvel opus arrive à surpasser le premier, combler ses lacunes et devenir, enfin, un succès populaire.
Un seul bouton, mille possibilités
Néanmoins, les années n’ont pas fait perdre à Masahiro Sakurai sa radicalité et le créateur légendaire, qui nous a régalé pendant des années avec ses nombreuses itérations de Super Smash Bros., a tenu bon sur le cœur de sa philosophie de design pour ce kart racer pas comme les autres : ici, tout se joue avec un seul bouton… ou presque. À contrecœur, comme avoué dans le premier Direct consacré au jeu, Air Riders a dû ajouter un nouveau bouton, et les joueuses et joueurs devront utiliser Y pour lancer leurs attaques spéciales. Néanmoins, pratiquement tout le reste du jeu ne peut se pratiquer qu’avec le bouton B (ou n’importe quel autre bouton), qui sert autant à lancer des attaques lors de l’absorption de pouvoirs, mais aussi à freiner : voyez-vous, les véhicules avancent ici automatiquement et presser le bouton « pression » vous permet, quand cela est nécessaire, de prendre les virages les plus serrés tout en vous offrant un boost fort appréciable une fois celui-ci relâché.
Si cela peut sembler de prime abord assez simple, c’est parce que Kirby Air Riders est d’une certaine façon l’antithèse d’un jeu de VS fighting : ici, le challenge ne réside pas dans le fait de mémoriser de longs combos, mais dans le fait de savoir quand effectuer une pression, afin d’offrir à votre personnage la trajectoire la plus parfaite qui soit, évitant d’heurter les murs tout en ne perdant pas de la vitesse. Une philosophie du « simple à apprendre, difficile à maîtriser« , qui permet à tout un chacun de prendre du plaisir tout en offrant une complexité folle – il me faut avouer qu’au bout d’une trentaine d’heures sur le jeu, je suis loin de maîtriser chaque circuit à la perfection. Le titre vous demandera aussi de maîtriser les différents pouvoirs qu’il vous offre : une fois n’est pas coutume, chacun des vingt-et-un personnages du roster possède la capacité de Kirby d’absorber les capacités des ennemis, et il va falloir utiliser celles-ci avec intelligence, à la fois pour des raisons offensives que de rapidité (les monstres et adversaires tapés vous offrant un boost de vitesse non négligeable).
Nous dérapons… aïe, aïe, aïe
Ce nouvel opus voit de surcroît le retour des modes de l’originaux, bien que dans des versions plus fournies : le premier d’entre eux, Air Ride, consiste en des courses tout ce qu’il y a de plus classiques, avec neuf nouveaux circuits ainsi que les neuf circuits de l’original. Si les circuits faisant leur retour sont globalement des copies carbone du premier jeu, conservant ainsi une relative simplicité dans leur visuel et leur design, il n’en est pas de même pour les nouveaux, bénéficiant d’une attention faisant plaisir à voir. Bandai Namco, développeurs du jeu, ont utilisé cette opportunité pour tester leur nouveau moteur maison, et le résultat est plus que convaincant : visuellement, Kirby Air Riders en jette, avec des circuits très détaillés et une exceptionnelle gestion de la lumière, tout en ne compromettant jamais la résolution et le framerate. Le titre tourne en effet entre 1080p et 1440p en docké (900p-1080p en portable), avec un 60 fps qui ne fait quasiment jamais défaut, si ce n’est lors de matchs multis sur City Trial où l’on peut observer des chutes de framerate brèves, mais jamais en dessous des 40 fps.
Ces nouveaux circuits permettent aussi de montrer ce que le jeu peut offrir en matière de mise en scène : c’est bien simple, Kirby Air Riders est tout simplement le kart racer le mieux mis en scène auquel il m’ait été donné de jouer, avec une caméra très bien pensée pour offrir à la fois une sensation de vitesse, une grande lisibilité de l’action parfois chaotique, mais aussi une impression de grandeur donnée aux niveaux, ce qui participe à donner envie d’y jouer encore et encore. Le seul vrai défaut du mode Air Ride est l’impossibilité de créer des tournois (au contraire d’un Mario Kart World par exemple), ce qui casse un peu le flow de l’action entre chaque course et donne au jeu un feel plus compétitif que party game. Un défaut que l’on ressent particulièrement dans le mode suivant, Top Ride, qui offre des courses se jouant en vue de dessus, qui sont très amusantes grâce à des contrôles bien pensés et modulables, mais qui ont aussi le défaut d’être très courtes – en mode online, il vous faudra repasser par le lobby globalement toutes les deux minutes.
Perso, je suis plus bottom ride, mais bon…
Néanmoins, Top Ride est bien plus amusant que je ne l’aurais cru : certes, il est plus difficile à appréhender que les courses à la troisième personne en mode Air Ride, mais il s’en dégage aussi quelque chose d’un plaisir purement enfantin, comme si l’on jouait avec des petites voitures. Un autre aspect qui permet de s’accrocher à ce mode, comme à tous les autres – y compris le mode online, est le système de « succès » du jeu, repris du premier : chaque mode possède une petite grille liée à divers challenges à accomplir. Loin de l’aspect parfois superficiel des succès intégrés d’office aux consoles de PlayStation et Xbox, ceux de Kirby Air Riders permettent de débloquer personnages, bolides, et accessoires de personnalisation pouvant être utilisés en jeu, notamment via l’outil de personnalisation de véhicule très complet (dommage qu’il ne prenne pas en charge le mode souris…) qui a d’ores et déjà permis à de nombreuses personnes de laisser libre court à leur imagination débordante.
Mais le mode le plus original de Kirby Air Riders est sans nul doute City Trial, déjà présent dans le premier jeu et vous proposant de parcourir une île à la recherche de petits bonus permettant de booster votre véhicule, le tout en pouvant changer de bolide en fonction de ce que vous trouverez sur le terrain, mais aussi en attaquant vos adversaires pour les affaiblir – pour leur voler leurs bonus ou, pourquoi pas, détruire la voiture sur laquelle ils se trouvent. Vous pouvez donc choisir de construire un engin plus ou moins complet en ramassant tout ce qui se trouve sur le passage et en cassant toutes les caisses ou, au contraire, choisir de vous spécialiser dans une des capacités comme le vol, en espérant que celle-ci vous sera utile par la suite.
Un road trip qui ne rime pas avec tranquillité
Cette exploration de la ville est rythmée par plusieurs évènements aléatoires s’y déroulant et apportant de la variété à l’ensemble, mais aussi par la possibilité de construire des machines légendaires. Globalement, City Trial est un pur concentré de chaos, une expérience follement amusante qui vous fera lâcher de nombreux éclats de rire, tout en n’oubliant pas de tester votre talent de conductrice ou conducteur. Car oui, une fois les divers bonus ramassés et le timer (entre trois et sept minutes) terminé, les personnages devront s’affronter dans une épreuve soumise à la votation : un mini-jeu, une course, un combat… C’est le moment de croiser les doigts et d’espérer avoir opéré les bons choix, mais aussi de pouvoir contrecarrer ceux de vos amis et adversaires. Un mode très amusant et sans doute l’un de ceux sur lesquels j’ai passé le plus de temps, notamment en ligne.
Enfin, Kirby Air Riders tente – avec succès – d’étoffer son expérience avec l’ajout d’un mode solo, intitulé Road Trip. Celui-ci introduit une trame narrative sombre à l’ensemble, dans la pure lignée des jeux Kirby les plus récents, tout en permettant aux joueuses et joueurs d’améliorer leur niveau. Vous roulez le long d’une route avec de nombreux défis à choisir : ceux-ci vous permettent d’améliorer les capacités de votre bolide, mais aussi de gagner un peu d’argent qui vous permettra, au choix, d’acheter de nouvelles capacités ou de nouveaux véhicules. Relativement court – comptez 2h30 pour en voir la fin, ce mode solo gagne largement à être revisité de par ses nombreux embranchements, devant être explorés pour en voir la vraie fin, mais aussi pour pouvoir débloquer un badge qui sera appliqué à chaque personnage du jeu. Comptez donc un petite quarantaine d’heures pour en venir à bout avec tous les personnages, ce qui permet non seulement d’étoffer l’expérience mais aussi de vous offrir une occasion de vous améliorer et de justifier le prix d’achat. Une expérience très arcade dans l’esprit, qui semble sortie tout droit de la Dreamcast (on ne peut s’empêcher de penser à un jeu comme Jet Set Radio), et qui ajoute un charme suranné à Air Riders.
Conclusion - Instantanément amusant, incroyablement profond
Kirby Air Riders est un jeu étrange, un AAA complètement arcade qui aurait pu paraître en 2006, sans jamais oublier ce que les joueurs d’aujourd’hui recherchent, avec notamment un contenu assez fou qui pourra vous tenir occupé pendant plusieurs dizaines d’heures. Très simple à prendre en main, le titre de Masahiro Sakurai demandera de nombreuses heures pour être maîtrisé et, si tant est que vous adhériez à sa proposition de gameplay à un bouton, vous offrira un plaisir fou, que ce soit en solitaire, avec des amis ou avec des inconnus. Une proposition radicale et rare dans le paysage vidéoludique d’aujourd’hui qui s’impose sans forcer comme l’un des meilleurs jeux de l’année.
- Très beau
- Excellente mise en scène et sensation de vitesse
- La quintessence du « simple à apprendre, difficile à maîtriser »
- Grande variété dans les véhicules
- Équilibrage au cordeau pour des courses se finissant souvent sur le fil
- Beaucoup d’options d’accessibilité
- Bande-son à la fois très mémorable et très énergique
- Jeu en ligne sans accroc
- Mode solo addictif et que l’on se plait à revisiter encore et encore
- City Trial, une idée de génie et un mode aussi chaotique que fun
- Mélange de plusieurs genres, sans concessions sur la qualité
- Proposition inédite dans le paysage vidéoludique actuel
- Mode photo qui aurait pu être plus travaillé
- Implémentation de l’HDR assez ratée
- La toupie qui se déclenche au stick plutôt que par un bouton
