Les licenciements ne s’arrêtent plus chez Microsoft. Après avoir licencié 6000 personnes début mai, et encore 305 personnes le mois dernier, le géant américain a annoncé hier se séparer de 9100 personnes, ce qui correspond à 4% de ses employés, avec une grande partie de ces licenciements affectant Xbox, leur division jeu vidéo (qui publie désormais des jeux pour toutes les consoles, dont celles de Nintendo, d’où notre choix de couvrir cette actualité ici). Ces licenciements massifs, accompagnés de la fermeture d’au moins un studio, n’est pas sans rappeler ceux qui avaient pu affecter Embracer Group, à la différence près que ce dernier ne fait pas partie d’une entreprise ultra-profitable qui a réalisé 26 milliards de bénéfices sur le dernier trimestre.
Si nous sommes encore dans le flou quand aux impacts précis de ces licenciements, Bloomberg rapporte que King (développeurs de Candy Crush), désormais dans le giron Xbox depuis le rachat d’Activision-Blizzard, s’est vu amputé de 200 employés, et que Turn10 (développeurs de la série Forza Motorsport) perd environ 50% de ses employés, ce qui condamne probablement le studio à devenir un studio d’appui pour Playground Games (Forza Horizon). Raven Software (Call of Duty: Black Ops 7, Call of Duty: Warzone), ZeniMax Online Studios (The Elder Scrolls: Online) et Halo Studios sont aussi affectés par ces licenciements dans une proportion encore inconnue.
Le studio britannique Rare, pourtant derrière le succès Sea of Thieves, est aussi affecté par un bon nombre de licenciements et voit son projet Everwild annulé. Le designer Gregg Mayles, l’un des rares employés ayant connu l’âge d’or du studio, ayant notamment travaillé sur Banjo-Kazooie, Banjo-Tooie, Donkey Kong Country et sa suite, serait sur le départ selon VGC. Xbox a aussi annoncé la fermeture de son « studio AAAA« , The Initiative, et l’annulation de leur pourtant prometteur projet Perfect Dark. Le journaliste français Gauthier ‘Gautoz’ Andres rapporte en revanche que Arkane Lyon (qui travaille sur un jeu Blade) et MachineGames (Indiana Jones et le Cercle Ancien), ne sont pas concernés par cette vague de licenciements chez Xbox, possiblement en partie grâce à la protection offerte par les droits du travail français et suédois.
Tous ces licenciements s’inscrivent dans une crise actuelle du jeu AAA occidental, qui semble perdu dans une fuite en avant avec la recherche de jeux toujours plus grands et toujours plus beaux, qui prennent de plus en plus de temps à développer et dont la rentabilité repose souvent sur des ventes importantes. Entre 2023 et 2025, on a pu voir 3000 licenciements chez Ubisoft, 7900 chez Embracer Group, 2500 chez EA, 1600 chez Sony Interactive Entertainment, 870 chez Epic Games et 630 chez Take-Two Interactive, le tout à la suite de mauvaise décisions managériales (trop de rachats chez Embracer, virage GaaS raté chez PlayStation…), de rentabilité en baisse (ce qui ne veut pas dire « pas de rentabilité », notons), de jeux s’étant planté, ou un peu de tout cela à la fois. Et, on le voit encore chez Xbox actuellement, c’est toujours les employés et jamais les décisionnaires qui en paient le prix. Phil Spencer s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué que l’on qualifiera poliment de complètement hors-sol :
Aujourd’hui, nous partageons des décisions qui auront un impact sur les collègues de toute notre organisation. Afin de positionner Gaming sur la voie d’un succès durable et de nous permettre de nous concentrer sur les domaines de croissance stratégiques, nous mettrons fin ou réduirons le travail dans certains domaines de l’entreprise et suivrons l’exemple de Microsoft en supprimant des couches de gestion afin d’accroître l’agilité et l’efficacité. Par respect pour les personnes touchées aujourd’hui, les détails des notifications d’aujourd’hui et des changements organisationnels seront communiqués par vos chefs d’équipe dans les jours à venir.
Je reconnais que ces changements interviennent à un moment où nous avons plus de joueurs, de jeux et d’heures de jeu que jamais auparavant. Notre plateforme, notre matériel et notre feuille de route n’ont jamais semblé aussi solides. Le succès que nous connaissons actuellement repose sur des décisions difficiles que nous avons prises précédemment. Nous devons faire des choix maintenant pour continuer à réussir dans les années à venir et un élément clé de cette stratégie est la discipline qui consiste à donner la priorité aux opportunités les plus fortes. Nous protégerons ce qui est en plein essor et concentrerons nos efforts sur les domaines présentant le plus grand potentiel, tout en répondant aux attentes de la société à l’égard de notre activité. Cette approche ciblée signifie que nous pouvons offrir des jeux et des expériences exceptionnels aux joueurs pour les générations à venir.
Il est essentiel de hiérarchiser nos possibilités, mais cela ne diminue en rien l’importance de ce moment. Pour dire les choses simplement, nous ne serions pas là où nous sommes aujourd’hui sans le temps, l’énergie et la créativité de ceux dont le rôle est affecté. Ces décisions ne sont pas le reflet du talent, de la créativité et du dévouement des personnes concernées. Notre élan n’est pas accidentel, il est le résultat d’années d’efforts dévoués de la part de nos équipes.
Les ressources humaines travaillent directement avec les employés concernés pour leur fournir des indemnités de départ (en accord avec les lois locales), y compris un salaire, une couverture médicale et des ressources pour les aider dans leur transition. Les employés dont les fonctions ont été supprimées sont encouragés à explorer les postes vacants au sein de Microsoft Gaming, où leurs candidatures seront examinées en priorité.
Merci à tous ceux qui ont façonné notre culture, nos produits et notre communauté. Nous irons de l’avant avec une profonde reconnaissance et un grand respect pour tous ceux qui ont contribué à cette aventure.
Phil
Dur dans ces moments de ne pas penser à la fameuse phrase de Satoru Iwata, qui avait déclaré : « si nous réduisons le nombre d’employés pour obtenir de meilleurs résultats financiers à court terme, le moral des employés diminuera, et je doute sincèrement que des employés qui craignent d’être licenciés soient en mesure de développer des logiciels susceptibles d’impressionner les gens du monde entier« . Certes, la loi japonaise rend de toute façon beaucoup plus difficile des licenciements d’envergure tels que ceux affectant aujourd’hui Xbox, mais on aimerait quand même que plus d’entreprises partagent la vision du regretté président de Nintendo. Et on croise évidemment les doigts pour que tous ceux étant affectés par cette vague de licenciements, comme les précédentes, retrouvent du travail dans leur domaine de prédilection.