L’année dernière, Arc System Works publiait les remakes des deux jeux Another Code sur Switch, deux titres créés principalement par Taisuke Kanasaki qui en était également le directeur artistique. Cet été, Kanasaki récidive avec Dear me, I was… un jeu narratif qui en déroutera plus d’un en raison de sa forme et de sa simplicité. Une oeuvre qui assume clairement ne pas avoir été conçue pour se vendre à des millions d’exemplaires mais qui, à mon humble avis, le mériterait amplement. Je développe ce point de vue dans les lignes qui suivent.
NB : Les points de suspension sont volontairement présents dans le titre officiel du jeu et ne signifie pas que l’auteur de ce test a plus de 50 ans.
Dear me, I was… just there?
Comment pourrait-on résumer Dear me, I was… ? Peut-être en se restreignant à trois mots précis : universel, coloré et court. Commençons par le dernier : oui, la dernière production de Taisuke Kanasaki ne vous occupera pas bien longtemps. Entre 45 et 60 minutes seront suffisantes pour voir les crédits défiler et disons que le jeu n’est pas spécialement taillé pour la rejouabilité. Car oui, Dear me, I was… est ce que l’on pourrait appeler une fiction interactive : en clair, on se rapproche davantage d’un film que d’un jeu. L’intrigue s’intéresse à la vie d’une jeune femme dont on ne saura jamais le nom. La vie ordinaire d’une Mme Tout le monde qui va de son enfance à sa vie de senior, jalonnée par des relations familiales, amicales et amoureuses parfois compliquées.
Si le cadre de cette histoire est facilement compréhensible, les détails sont souvent laissés à l’interprétation du joueur en grande partie car le jeu ne contient aucun dialogue, parlé ou écrit. Cette sobriété narrative se retrouve aussi dans le gameplay qui n’autorise que quelques interactions dans des situations précises : cliquer sur le contenu d’une assiette pour manger, parcourir une feuille blanche pour voir naître des dessins de la main de l’héroïne, faire passer une enveloppe d’un côté à l’autre de l’écran… Un minimalisme totalement assumé pour un jeu qui s’observe et se contemple davantage qu’il ne se joue.
Une simplicité qui fait tout
Quel intérêt à se procurer Dear me, I was… me demanderez-vous ? Hé bien, il suffit de se référer aux deux autres mots que j’ai donnés : universel et coloré. Universel, car cette histoire pourrait être celle de bien des personnes puisqu’elle est résolument ordinaire. Je ne pense pas trop me mouiller en disant que les évènements dépeints comme les amours de lycée ou les débuts de la vie d’adulte sont des périodes que l’immense majorité d’entre nous a traversée ou traversera. Malgré la banalité de cette intrigue, sa narration m’a ému. Pas de quoi me tirer des larmes pour faire un react à 500 000 vues sur Tiktok mais juste ce qu’il faut pour m’émouvoir, me faire sourire et me donner envie d’en voir la conclusion.
L’intrigue est bien évidemment aidée par sa direction artistique qui est, encore une fois, issue du talent de Kanasaki Nous en avions déjà eu un bel aperçu avec le sublime key art d’Another Code: Recollection mais l’art du bonhomme trouve tout son sens dans Dear me, I was… Chacun des 10 chapitres du jeu est illustrée par de splendides séquences mêlant dessins au crayon et illustrations à l’aquarelle pour un résultat coloré et empreint de douceur. La bande-son fait également un excellent travail pour insuffler de l’émotion au récit, au point qu’il est vivement recommandé de jouer avec le son. Ça peut paraître idiot dit comme ça mais l’expérience ne serait clairement pas la même sans ces splendides musiques : posez-vous dans un lieu calme, allumez le son et/ou branchez vos écouteurs et laissez-vous porter par cette histoire.
Si je devais comparer cette oeuvre à d’autres, j’évoquerais certains films Ghibli mais pas de ceux que tout le monde connaît : loin des péripéties magiques du Voyage de Chihiro ou du Château Ambulant, Dear me, I was… se rapproche davantage de ces Ghibli plus calmes et moins flamboyants comme La Colline aux Coquelicots ou Souvenirs Goutte à Goutte. Des histoires plus calmes, peut-être adressées à un public un peu plus mûr, et qui s’apprécient dans leurs thèmes universels. Certaines séquences des films de Mamoru Hosada me sont également revenues en mémoire pendant que je jouais, notamment la splendide scène d’introduction des Enfants loups. En résumé, vous aurez affaire à quelque chose de simple, doux et foncièrement réconfortant.
Dear me, I was... la tranche de vie touchante de l'été - TEST
-
Votre petit roman pour l'été - 80%
80%
Votre petit roman pour l'été
Difficile de ne pas succomber au charme de Dear me, I was… Entre sa sobriété assumée, ses visuels splendides et sa bande-son excellente, le jeu de Taisuke Kanasaki a de quoi séduire tous les amateurs de belles histoires. Encore faut-il accepter de débourser 8 euros pour 45 minutes de jeu ce qui pourrait rebuter certains. Néanmoins, il s’agit d’une dépense largement rentabilisée car en moins d’une heure, Dear me, I was… a éveillé plus de sentiments et de couleurs en moi que de nombreux jeux.
Les +
- Une histoire sincère, écrite avec le coeur
- Une somptueuse direction artistique
- Une bande-son que l’on veut avoir sur Spotify
Les -
- Un gameplay réduit au strict minimum
- Très (trop ?) court