Split Fiction, Hazelight frappe encore – TEST

90%

S’il y a bien des surprises dans le monde du jeu vidéo, l’une des plus grandes de ces dernières années a été conçue à Stockholm, en Suède. En 2021, avec It Takes Two, le studio Hazelight est entré dans la cour des grands en proposant une aventure en coopération fraîche, rythmée et où la répétitivité n’existe pas. À la tête du studio suédois, Josef Fares, personnalité montante du jeu vidéo, connu pour son extravagance sur scène, son « fuck the Oscars » au Game Awards et une confiance en soi qui force le respect. 

Confiance en soi affirmée quand ce dernier est monté sur la scène des Game Awards l’année dernière, fort d’une victoire en 2021 avec It Takes Two, afin d’y présenter son nouveau jeu Split Fiction. Le réalisateur n’a pas tremblé en l’évoquant, targuant que son œuvre était « d’un autre niveau » et qu’il était dur « de ne pas être prétentieux avec un jeu comme celui-là ». Des paroles qui peuvent prêter à sourire, tant on a peu l’habitude de voir des acteurs et actrices de l’industrie parler sans langue de bois, laissant de côté les poncifs habituels. Split Fiction est arrivé le 6 mars 2025 sur PC et consoles, avant de faire son entrée le 5 juin dernier sur Nintendo Switch 2.  Alors, est-ce que Josef Fares et les équipes d’Hazelight peuvent se permettre d’être prétentieux avec ce Split Fiction ? Oui. 

Sus à l’IA

C’est toute excitée que Zoé arrive dans les locaux de Rader Publishing. Cette jeune autrice, qui n’a jamais été publiée, va pouvoir désormais l’être grâce à cette société ! Dans l’ascenseur, elle croise Mio, jeune autrice aussi, mais qui semble beaucoup moins enthousiaste. Mio va voir ses inquiétudes se confirmer en se retrouvant devant une machine qui plonge auteurs et autrices dans une stase leur permettant de vivre leurs propres histoires de l’intérieur, en les enfermant dans des « bulles ». 

Paniquée, Mio refuse de participer. Alors que tout le monde à déjà commencé l’expérimentation, Mio tente de s’échapper, sans succès. Elle se retrouve projetée par inadvertance dans la bulle de Zoé, et rentre dans son histoire. Les deux femmes, unies contre leur gré, vont devoir travailler de concert pour sortir de cette bulle, tout en apprenant que Rader Publishing ne compte pas publier leur histoire, mais plutôt les voler. 

Il ne faut pas bien longtemps avant de saisir le propos de Split Fiction, qui tourne autour de l’IA générative et de la spoliation du travail des artistes. Rader n’a qu’un objectif : pouvoir créer des histoires en un claquement de doigts, sans avoir besoin d’auteur, d’autrices, d’artistes derrière tout ça (parce que vous comprenez, ça coûte cher tout ça). Alors, oui, Split Fiction n’a peut-être pas la plus brillante des écritures, mais on peut mettre un point d’honneur au studio d’évoquer cette problématique, centrale de nos jours et qui met à mal bon nombre d’artistes.  Entre autre, Split Fiction se veut être un buddy movie, ou Mio et Zoé vont devoir apprendre à coopérer avec leurs différences. Et des différences elles en ont. Mio est une passionnée de science-fiction, ses œuvres respirent le Cyberpunk, le Star Wars, le Dune… là où Zoé a un esprit plus champêtre, plus dirigé vers Tolkien, la fantasy, la nature et la couleur. 

C’est là que Split Fiction abat sa carte de l’originalité : nous emmener dans divers univers, diverses histoires. Et, sans non plus nous émouvoir ou nous tirer les larmes, le jeu parvient à créer une histoire intrigante qu’on a envie de poursuivre jusqu’au bout, on apprécie connaître les motivations des personnages, même si les révélations autour de leur passé ne sont ni originales, ni surprenantes. C’est une histoire sympathique, rien de plus. Pour le doublage français, aucune fausse note. Zoé est incarnée par Laëtitia Lefèbvre (que vous connaissez pour être Urbosa dans Breath of the Wild bien sûr !) et Mio par Émilie Rault, un casting efficace et une dynamique qui fonctionne très bien dans la langue de Molière. 

Plutôt Blade Runner ou le Seigneur des Anneaux ?

Rentrons un peu plus en détail dans le coeur de Split Fiction, ce qui fait que le jeu porte d’ailleurs ce nom : cette fameuse dualité entre les univers de Mio et Zoé, entre science-fiction et fantasy. Le jeu va envoyer le joueur dans les univers respectifs des protagonistes, et il faut l’admettre, ne vous attendez pas à des claques qui révolutionneront votre vision de ces genres. Split Fiction reste assez générique dans sa manière de représenter les univers. Toujours très inspiré certes, mais qui ne sera jamais inspirant. Un peu ironique, mais aussi très rigolo quand on sait que les personnages luttent contre le vol de leurs idées ! 

Mais on ne va pas jeter la pierre à Hazelight. Quand on doit créer des dizaines d’univers différents dans un seul jeu, dont le cœur est avant tout le gameplay, on va difficilement reprocher les travailleurs de n’avoir pas méticuleusement créé des univers dans lesquels on n’a jamais mis les pieds auparavant. Et cela n’en reste pas moins joli, on prend plaisir à visiter les différents lieux et biomes, même si les univers de SF ont toujours tendance à se ressembler entre eux à l’inverse des séquences fantasy qui se renouvelle plus et donne un plus grand sentiment de voyage. 

Le jeu va avoir tendance à prendre quelques libertés créatives, principalement dans ses niveaux secondaires. À l’intérieur d’une séquence, vous allez retrouver des petites sessions annexes qui vont vous envoyer dans une autre histoire, courte, mais souvent succulente de créativité. Des passages qui semblent presque avoir été créés parce que le studio avait une idée qu’il ne pouvait pas intégrer dans la trame principale. Et grand bien leur fasse, car ces moments sont la plupart du temps des petites bulles d’originalité bienvenue. 

Une recette similaire à It Takes Two, perfectionnée

Si vous avez joué à It Takes Two, Split Fiction ne vous dépaysera pas. Hazelight reprend la même formule avec un jeu uniquement jouable en coopération, avec un écran scindé. Les joueurs et joueuses vont devoir coopérer ensemble pour progresser tout au long de l’aventure. Après It Takes Two, qui mettait un point d’honneur à se renouveler constamment sans jamais se répéter, Split Fiction poursuit dans cette droite lignée en proposant toujours une expérience surprenante. Le jeu ne cherche pas à se reposer sur une mécanique qu’il essoufflera tout au long de son aventure, chaque niveau, chaque section, chaque contenu secondaire est soigneusement construit autour d’une mécanique, et va s’amuser à twister cette dite mécanique pendant tout le niveau, avant de mettre le tout à la poubelle et de passer à autre chose. 

Une manière de faire qui enrichit constamment l’expérience, et qui surtout réussit à ne pas créer une sensation d’impatience, ni de frustration. Car oui, si le jeu propose de nombreuses mécaniques, il ne s’attarde jamais trop longuement dessus. Cette manière de faire a des qualités, par exemple, le joueur qui fait face à une phase qui lui plaît moins sait qu’elle ne durera pas longtemps avant de passer à autre chose. 

La multiplication de gameplay et de mécaniques peut cependant être à double tranchant : faire beaucoup de choses, mais ne pas les faire bien, ça ne sert à rien. Mais jamais en jouant à Split Fiction je n’ai été confronté a des phases pas très réussies, mal intégrées ou tout simplement pas agréables à jouer. Au pire, les phases sont correctes, au mieux, elles sont superbes. Hazelight parvient à maintenir une constante de qualité tout au long de son récit, et c’est à souligner. Même après It Takes Two, je n’ai pas à un seul moment eu la sensation de jouer à une redite du précédent. 

Il faut noter aussi les efforts de mise en scène, entre l’écran qui passe en splité à deux à un seul écran. Les transitions sont toujours d’une finesse, et le jeu parvient à garder un rythme dans les moments intenses qui peuvent alterner les différents plans de caméra. Le jeu se permet aussi d’être rejouable, si vous incarnez Mio ou Zoé, une seconde partie avec un autre personnage se vivra différemment, les personnages ayant toujours des pouvoirs différents ! 

Une technique qui ne gâche pas le tableau

Split Fiction est un excellent jeu vidéo, on n’en doute plus. Mais les sept dernières années qui se sont écoulées ont vu les rédacteurs et rédactrices de Switch-Actu régulièrement pester contre les qualités techniques des portages Switch de jeu tiers. La Switch 2 étant enfin là, et Split Fiction étant un fer de lance du lancement, il permet d’établir un premier bilan de ce que la machine de Nintendo a dans le ventre. 

Autant vous le dire : si la version Switch 2 de Split Fiction n’est pas du tout la meilleure (y’avait un doute ?), elle tient largement la comparaison. Ayant joué à la version PS5, on remarque bien sûr que le framerate est divisé par deux, pour profiter d’un 30 images par secondes stables. On peut noter aussi que les textures ne sont pas aussi détaillées, un peu moins de détails par moment sur les cheveux des protagonistes. Mais globalement, le portage est solide, très solide, si bien que je n’ai eu a aucun moment l’impression de jouer à une sous-version. À noter quelques baisses de framerate sur une fin de chapitre en mode portable, sans pour autant avoir d’impacts négatifs sur le gameplay. Split Fiction fait partie de ces jeux de lancements qui glissent une note d’espoir sur l’avenir de la console avec les éditeurs tiers. On notera que le jeu pèse lourd, plus de 70 Go de mémoire seront requis, que c’est un code de téléchargement en version « physique » et qu’il n’a sûrement pas bénéficié d’une attention vraiment minutieuse pour être parfaitement optimisé. 

Un nouveau tableau de maître
  • Un nouveau tableau de maître - 90%
    90%
90%

Un nouveau tableau de maître

« C’est difficile de ne pas être prétentieux avec un jeu comme celui là » disait Josef Fares. Et Josef Fares avait raison. Split Fiction est un jeu brillant qui mérite d’être prétentieux. Avec une science du rythme et de l’originalité, Split Fiction balance constamment des idées pour tenir le joueur alerte et amusé. C’est généreux, c’est fun, et c’est tellement bon à partager à deux. C’est sans conteste l’un des jeux à retenir cette année, et un indispensable si vous avez quelqu’un avec qui partager l’aventure. 

Les +

  • Une aventure épique qui se renouvelle constamment 
  • Le pass ami, pour que vos ami.e.s jouent gratuitement avec vous
  • Un duo qui fonctionne bien
  • La dualité SF / fantasy 
  • Les histoires annexes 
  • Une (petite) critique sur l’IA générative
  • De vrais progrès sur la mise en scène 
  • Toujours agréable à jouer 
  • Un excellent doublage français
  • Bonne rejouabilité sur deux parties

Les -

  • Des univers SF qui peinent à se renouveler visuellement 
  • Code de téléchargement en version physique 
  • 70 Go, on aurait pu faire un effort non ? 
  • Quelques ralentissements quand tout pète à l’écran
Qu'en pensez-vous ?
+1
2
+1
0
+1
0
+1
0
Avatar photo
48 articles

Journaliste un peu trop joueur de jeux vidéo pour son propre bien. Militant pour la sortie de Wind Waker HD sur Switch.


guest

0 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires