Si vous suivez régulièrement l’actualité jeu vidéo, vous n’avez pas pu passer à côté du phénomène de cette rentrée côté jeu indépendant. Le très attendu Hollow Knight: Silksong est enfin sorti le 4 septembre dernier, après près de huit ans d’attente suite au premier opus paru en 2017. Cette sortie a remis une énième pièce dans la machine du débat ininterrompu sur la difficulté des jeux vidéo. Quand est-ce qu’un jeu devient trop difficile au point d’être un repoussoir ? Faut-il intégrer un mode facile à tous les jeux pour les rendre accessibles au plus grand nombre ? Existe-t-il seulement une métrique objective pour quantifier la difficulté d’un jeu ? Silksong, comme beaucoup d’autres avant lui, pose de nouveau toutes ces questions aux joueur·euses et y répond à sa manière. Et disons le d’emblée, cette réponse ne sera pas au goût de tout le monde.
Sortir du formulaïque
Étant donnée l’influence considérable qu’a eu Hollow Knight sur la scène indépendante, en particulier sur son genre qu’est le metroidvania, Silksong a un héritage plus que conséquent à assumer. Le jeu ne pouvait donc pas se contenter de faire dans la redite en appliquant parfaitement la formule désormais éprouvée du metroidvania comme l’a fait son aîné. À ce titre, le nouveau jeu des développeur·euses australien·nes de Team Cherry parvient à trouver sa voie sans se dénaturer. Sur l’exploration d’abord, le jeu nous propose plus souvent des objectifs « intermédiaires » à la manière d’un Prince of Persia: The Lost Crown, là où le premier épisode nous laissait beaucoup plus tâtonner sans vraiment nous indiquer de direction claire.
Ici, il ne sera pas possible d’accéder à l’entièreté de la carte sans dépasser certaines grandes étapes de l’aventure qui font office de garde-fou. Si cette petite restriction entrave en partie notre liberté de mouvement, elle a le mérite de fluidifier la progression en lui offrant un rythme plus maîtrisé. Les différents boss qui « bloquent » une large partie de la carte s’en retrouvent particulièrement mis en valeur, les rendant à la fois plus intimidants, mais aussi excitants à affronter grâce à l’impatience naturelle de découvrir le contenu auquel ils nous empêchent d’accéder. Sur ce point, Team Cherry a été exemplaire en proposant des affrontements d’anthologie comme le combat contre la Dernière Juge qui clôture l’acte 1, ou encore la redoutable Lace que l’on devra affronter à plusieurs reprises au cours de l’aventure.
Les différentes joutes sont d’ailleurs abordées d’une manière très différente du premier opus. En effet, le système de charmes qui a été très repris par d’autres titres, est totalement remanié dans Silksong. La simplicité d’un nombre d’emplacements de charmes est ainsi remplacée par un tout nouveau système, celui des Emblèmes. Les charmes deviennent ici des outils, et ils peuvent donc être équipés sur ces fameux Emblèmes qui font office de réceptacles. Autre twist, les outils sont séparés en trois catégories distinctes à savoir jaune, rouge et bleu soit respectivement les outils utilitaires, défensifs et offensifs. L’intérêt des Emblèmes est double : ils ont tous un nombre d’emplacements de chaque type différent, et surtout ils modifient votre palette de mouvements. La personnalisation de votre style de jeu dépend donc essentiellement de ces Emblèmes et des outils à équiper sur ces derniers.
Enfin Silksong se démarque également du premier Hollow Knight dans la manière de présenter son contenu secondaire. Ici, les quêtes annexes sont baptisées « souhaits », et sont consignées dans un journal très sommaire. Cette nouveauté permet de garder le fil des différentes quêtes, désormais beaucoup plus nombreuses. La plupart d’entre elles sont également rattachées aux différents tableaux de souhaits présents dans les trois principaux villages du jeu. Ces localités plus nombreuses sont une autre nouveauté, permettant de proposer plus de lieux de repli entre deux boss survoltés. Avec ce surplus de contenu, le jeu emprunte malheureusement aux aspects plus rébarbatifs des jeux de rôle classiques, à savoir le farming, à la fois de matériaux et de diverses monnaies et ressources indispensables à notre aventure.
Silksong a une certaine forme de sadisme
Venons en à présent au cœur des débat entourant Silksong, à savoir sa difficulté très punitive, en particulier en début de partie. Ne prenons pas de gants : ces critiques sont justifiées. Qu’il s’agisse de devoir payer pour activer le moindre banc (les points de repos du jeu), des faux bancs inutilisables ou garnis de pièges mortels, des pièges invisibles et inévitables à moins de savoir au préalable qu’ils sont là ou ne serait-ce que de l’absence presque systématique de banc avant un combat de boss, Silksong est un jeu impitoyable, en particulier durant son premier tiers. La plupart des boss infligent deux masques de dégâts par coup (pour une jauge de vie à cinq masques en début de partie), et les améliorations de capacités se comptent sur les doigts d’une seule main avant d’enfin atteindre Clochelle, le deuxième village du jeu.
Là où l’on pourrait s’attendre à une courbe de difficulté mieux maîtrisée en fragmentant plus clairement la progression en différents actes successifs, c’est en fait tout l’inverse qui se produit. Le premiers tiers du jeu est ainsi très exigeant et punitif, mais la difficulté, bien qu’elle reste élevée pendant le reste de l’aventure, devient beaucoup plus gérable à mesure que l’on acquiert des améliorations et de nouvelles capacités et outils pour nous aider à la surmonter. Il est donc possible que vous soyez tenté·e d’abandonner le jeu en cours de route durant l’acte 1 ou au début de l’acte 2, ce qui a été mon cas. Mais simplement faire une pause de quelques jours pourra vous aider à repartir avec la tête plus aérée pour continuer l’aventure.
Restez toutefois sur vos gardes, car le reste du jeu a aussi son lot de phases de plateforme particulièrement difficiles, dont la plupart sont accompagnées d’ennemis volants vous tirant sans cesse des projectiles à la figure. Cette manie se retrouve également chez certains boss qui ne manqueront pas d’invoquer leur horde de sbires pour venir vous submerger en plein combat. De nouveau, ces exemples sont particulièrement pénibles en début d’aventure où vous n’avez que très peu de marge d’erreur avec votre jauge de vie plus faible et votre puissance d’attaque encore balbutiante. Vous l’aurez compris, Hollow Knight: Silksong n’est pas à mettre entre toutes les mains. Mais si vous parvenez à surmonter son premier tiers très abrupt, vous pourrez accéder à ce que le jeu a de mieux à offrir.
Devenir un·e virtuose
C’est en effet durant la fin de l’acte 2, mais surtout pendant le très conséquent et bien caché acte 3, que Silksong dévoile tout son potentiel. Les combats de boss de la seconde moitié du jeu comptent tout simplement parmi les moments les plus intenses de ma vie de joueur. Qu’il s’agisse des affrontement répétés contre Lace, du Fantôme, ou encore de Karmelita, les combats n’ont de cesse de gagner en intensité pour atteindre des sommets inédits. Team Cherry réalise l’exploit de nous plonger régulièrement dans cet état second où il est impossible de lâcher l’écran des yeux, où plus rien d’autre que le jeu n’existe dans notre champ sensoriel, et où Hornet et le boss à l’écran se répondent par coups successifs, comme dans une danse aussi captivante que mortelle.
Nous ne l’évoquons que maintenant car elle prend elle aussi son envol pour atteindre son apogée durant la seconde moitié du jeu, mais l’esthétique visuelle et sonore qui habille Hollow Knight: Silksong est une nouvelle fois d’un niveau époustouflant. Le style graphique très proche du dessin rend la moindre carapace d’insecte grouillant presque attendrissante, et les musiques des boss comme de certaines zones du jeu restent en tête longtemps après avoir reposé la manette. Le tout tourne magnifiquement sur Switch 2, où aucune ralentissement ni crash n’est venu entacher mes soixante heures de jeu. En fin de compte, le plus gros défaut du jeu réside dans sa courbe de progression plus que bancale, surtout en début de partie. Les néophytes se retrouvent ainsi privé·es de ce que Silksong propose de meilleur.
Un potentiel entravé
-
Un potentiel entravé - 80%
80%
Un potentiel entravé
Qu’il est difficile de noter Hollow Knight: Silksong avec une simple valeur numérique. C’est le genre de jeu à vous faire vivre un ascenseur émotionnel : on le déteste, on le conspue, puis on finit par l’adorer sans pour autant être toujours d’un calme olympien face à ses boss et ses pièges les plus retors. Qu’il s’agisse de sa courbe de difficulté beaucoup trop raide sur son premier tiers ou des trop nombreux prérequis nécessaires pour accéder à son magistral acte 3, Silksong semble tout faire pour laisser une majorité de personnes sur le côté et ne laisser qu’une poignée de forcené·es accéder à son contenu le plus passionnant.
Celles et ceux qui en auront la patience vivront des moments de jeu inoubliables, à tel point qu’il en devient difficile d’en vouloir au jeu pour son entrée en matière plus que bancale. Pour les autres, nous ne pouvons pas décemment vous recommander le jeu si vous souhaitez éviter des crises de nerfs à répétition.
Les +
- Des combats de boss toujours aussi jouissifs…
- L’acte 3 absolument magistral…
- Un renouvellement bienvenu
- Une technique exemplaire
- Une esthétique toujours aussi réussie
Les -
- …mais d’autres qui donent envie de s’arracher les cheveux.
- …mais un début beaucoup trop abrupt et punitif
- Quelques nouveautés dont on se serait bien passé, comme le farming de ressources et de monstres