En 2020 sortait Gloomy Eyes VR. Un court-métrage d’animation était édité par Arte et développé par le studio Atlas V, spécialisé dans les contenus immersifs. Le métrage était porté par un univers inspiré des travaux de Tim Burton et narré par Collin Farell en VO, Tahar Rahim en VF. Cinq années plus tard, Gloomy Eyes revient, non pas dans une formule en réalité virtuelle, mais dans un jeu de puzzle, en self-coop (c’est a dire, solo mais dans lequel on joue deux personnages) où l’on traverse diverses scènettes. Est-ce que l’expérience vaut le coup d’oeil ? Peut-être, mais sur autre chose qu’une Switch.
Une fable pas très originale, mais une jolie fable quand même
L’histoire de Gloomy Eyes commence alors que Gloomy, un petit zombie, sort de sa tombe. On comprend rapidement par la voix du narrateur que dans le monde du jeu, le soleil a décidé de poser des RTT et de ne plus se lever. C’est d’ailleurs depuis ce moment que Gloomy est sorti de sa tombe, en plus d’autres zombies plus hostile que lui. C’est aussi depuis ce moment aussi que Nena, une jeune humaine, s’est décidée à percer le mystère de la disparition du soleil… encore plus d’ailleurs depuis que son oncle est devenu fou et cherche à éliminer tous les zombies, notamment Gloomy. Les deux protagonistes vont se retrouver à unir leurs forces, pour résoudre le mystère du soleil et forger une amitié malgré leurs différences (surtout les différents stades de décomposition ahahahah).
Si le récit narré par Gloomy Eyes n’est pas particulièrement original, il a le mérite d’être très bien raconté. Poétique, touchant et surtout brillamment narré par un acteur qui doit passer derrière une figure Hollywoodienne. C’est un plaisir de suivre nos deux compagnons, certes muets tout au long de l’aventure, mais qui en dise beaucoup par leur lien, leur manière de se regarder, et de traverser l’adversité ensemble. Gloomy Eyes excelle d’ailleurs dans sa manière de faire bouger ses personnages : les animations sont belles, avec pour ma part un petit coup de cœur pour l’oncle de Nena, le méchant de l’aventure, qui m’a rappelé les plus grands méchants excentriques des dessins animés de ma jeunesse. La direction artistique inspirée de Tim Burton peut faire souffler aux premiers abords : l’impression d’avoir déjà vu ça mille fois, mais il y a dans Gloomy Eyes un supplément d’âme qui m’a fait surmonter ce qui pouvait me crisper artistiquement aux premiers abords.
On prend plaisir à flâner dans les décors (même si la Switch ne leur rend vraiment pas hommage, mais on en reparle à la fin du test), les visuels qui font penser à des décors fait main en argile peinte donne le sourire et on est impressionné par la minutie apportée aux détails de cet univers.
Un gameplay qui manque de mordant
Gloomy Eyes se présente comme un jeu en self-coop, vous allez donc devoir incarner Gloomy et Nena pour avancer dans l’aventure. Les niveaux se présentent comme des dioramas, et vous allez devoir tourner autour du niveau pour progresser. Bien sûr, chacun de nos personnages a sa spécialité. Gloomy, ce sont les muscles. Il peut porter et pousser des objets lourds, lancer des objets sur le décor pour l’altérer, mais le revers de la médaille, c’est qu’il craint la lumière. Nena, c’est l’agilité, elle ne craint pas la lumière, elle peut sauter d’un endroit à un autre, escalader des parois et peut appuyer sur des boutons (ne me demandez pas pourquoi Gloomy ne peut pas s’il vous plaît).
Il va donc falloir combiner les atouts de l’une et de l’autre pour progresser à travers divers tableaux. Et il faut constater que Gloomy Eyes ne brille pas par son originalité et sa maîtrise des énigmes. Sans être mauvais, le jeu ne réinvente jamais la roue, et n’offre jamais vraiment d’effervescence quand on résout une énigme. On avance, on ne se creuse pas énormément la tête, on résout l’énigme, puis on continue sans jamais avoir la satisfaction d’avoir bravé quelque chose. Ce n’est pas un souci en soit, j’aime beaucoup les petits jeux de puzzle où l’on avance rapidement.
Le problème, c’est que l’on n’avance pas aussi rapidement qu’on le souhaiterait dans Gloomy Eyes, car le jeu souffre d’un vrai manque de lisibilité par moment. La direction artistique est très jolie oui, mais tellement dense qu’il est par moment difficile de distinguer ce qui est utile à la progression et ce qui ne l’est pas. Souvent, les objets avec lesquels on peut interagir font apparaître un petit cercle quand on s’en approche, et des fois, il faut y être collé pour comprendre qu’on peut l’utiliser. J’ai passé plus de moments dans Gloomy Eyes a essayer de comprendre comment avancer que réfléchir à comment résoudre une situation, et c’est très désagréablement frustrant. Il y a aussi beaucoup de soucis de pathfinding : la densité de la direction artistique m’a parfois induit en erreur sur des chemins qui étaient à emprunter, mais que je n’arrivais pas à distinguer.
Pour s’aider à tout distinguer, le jeu propose avec une touche d’effectuer un dézoom et de tourner avec la caméra autour d’un niveau. Une idée intéressante, mais encore gâchée par la densité des décors, et pas aidé par la technique douteuse de la version Switch, qui encore aujourd’hui gâche une expérience.
La vie en flou
40 secondes, c’est probablement la durée du soupir de désespoir que j’ai lâché devant les premières images de Gloomy Eyes. Un long soupir de frustration devant des visuels qui ont tout pour être beaux, mais qui sont gâchés par une image et des textures floues. Encore, toujours, tout le temps. C’est difficile d’en vouloir aux développeurs indépendants, après tout, la Switch est un marché très porteur. Mais ne faut-il pas à un moment respecter les joueurs et joueuses ? Gloomy Eyes n’a pas décidé de le faire sur cet aspect.
Tous les problèmes de pathfinding, de difficulté à distinguer des choses dans les décors, peut-être que ces soucis viennent simplement de la technique très lacunaire de Gloomy Eyes. Je ne peux pas vous confirmer, je n’ai pas de version PC ou consoles de salon. Mais en tout cas, sur Switch, l’expérience est lourdement ternie. Pas de problème de framerate, encore heureux, mais il est difficile de profiter d’une expérience pleine sur l’hybride de Nintendo. Peut-être qu’à l’avenir une Switch 2 Édition verra le jour, corrigeant tous ses aspects problématiques, mais pour le moment, les joueurs Nintendo doivent se contenter d’une version au rabais et indigne.
Gloomy Eyes n'en met pas plein les yeux
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Gloomy Eyes n'en met pas plein les yeux - 59%
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Gloomy Eyes n'en met pas plein les yeux
Gloomy Eyes est sur deux spectres. Une belle narration, une belle direction artistique et une technique affreuse. Technique qui entache par dessus tout le gameplay en réduisant la lisibilité du joueur. Si nos deux camarades que sont Gloomy et Nena se rassemblent pour que le soleil se lève de nouveau, il n’est pas difficile de remarquer que le crépuscule est là pour la Switch première du nom, qui peine de plus en plus à faire tourner des jeux dès qu’il y a un minimum d’ambition visuelle et peu de motivation (et aussi de moyens) des développeurs pour offrir une optimisation digne de ce nom.
Les +
- Une jolie direction artistique…
- De chouettes animations
- Une histoire simple, mais efficace
- Un excellent narrateur
- Pas prise de tête…
Les -
- …qui gâche parfois la lisibilité
- Flou, toujours, tout le temps
- … mais manque d’originalité dans ses énigmes